Faire preuve d'esprits neufs pour commencer l'année.
Dimanche 23 septembre – Valpré – journée de rentrée
Textes : Sg 2 /Ps 53 /Jc 3,16-4,3 / Mc 9,30-37
Prédication
Nous venons de lire 3 textes
et de chanter un psaume. Quel est l’intérêt ? Pourquoi lisons-nous des
textes à la messe ? C’est pour nous une évidence, mais cela aurait pu être
autrement. Nous aurions pu avoir une religion qui se passe de l’accord de nos
consciences, qui ne s’adresse qu’à nos émotions ou à ce qui pourrait
s’apparenter en l’homme à une sorte d’instinct du sacré, ou bien être partie
prenante d’une tradition qui redonnerait les textes dans un langage devenu
inconnu par la force du temps. C’est la difficulté de certaines Eglises
orientales en diaspora dont les jeunes ne parlent plus la langue des anciens.
Pour ce qui nous concerne ici en Occident, le concile Vatican II a eu souci de nous aménager l’accès le plus
large et le plus aisé possible aux saintes Ecritures.
Mais dans notre monde hyper
connecté, hyper tout ce que vous voulez, quel est l’intérêt de lire des textes
à la messe ? Une bonne vidéo, un abstract, une infographie pour nous
donner le contenu… Pourquoi lire ?
Il y a évidemment bien des raisons. Je n’en cite que deux.
-
La première relève du culte lui-même : nous célébrons
Dieu et non pas notre foi ou nous-mêmes. Lire les textes de la bible c’est donc
faire place à une parole qui ne vient pas de nous et la place que nous lui
faisons est et doit toujours rester centrale. Centrale dans le culte comme dans
notre vie.
-
Le second intérêt réside dans l’aspect automatique et certain
de la lecture. En venant, nous savions qu’il y aurait ces lectures ; nous
les avons donc lu ce matin ou hier ou les jours précédents, en prévision de maintenant,
ou bien au contraire nous avons le projet
de les reprendre comme souvent cet après-midi ou au cours de la semaine
qui vient. Car en réalité, qui veut être nourri spirituellement ne peut pas
faire l’impasse sur cet exercice !
Depuis 3 semaines que nous
sommes installés à Valpré, j’entends dire beaucoup de compliments sur la
communauté assomptionniste, ce qu’elle apporte, ce qui se dégage de sa présence
ici. C’est très agréable et en plus cela n’a valu des efforts qu’à Yves et
Rémi : les 4 autres Claude, Régis, Phuc et moi nous moissonnons ce que
nous n’avons pas semé ! Le mérite en revient, pourrait-on dire, à la
communauté précédente ! Et à bien y réfléchir, tout le mérite est à Dieu
car si on est nourri quand on vient à Valpré, c’est bien la grâce de la
proclamation de la Parole de Dieu ; c’est la Bible, l’Evangile qui
constituent le festin de notre esprit et de notre âme. En ce début d’année
pastorale, il me semble primordial de nous le redire.
Alors, que nous disent les
textes de ce jour ?
[Evangile] Regardons Jésus
et sa patience infinie envers ses disciples. Personnellement, rien que sur ce
point j’ai de quoi méditer et travailler pendant au moins un an ! Quand je
lis dans la première lecture du livre de la sagesse « Soumettons-le à des tourments ; nous
saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience », j’ai
l’impression qu’il s’agit de mon attitude vis-à-vis de Jésus. Au fond, je me
dis : « la Bible est en train de me confesser ! »
Oui vraiment quelle
patience, quelle douceur chez Jésus ! Voyez. Il vient d’annoncer sa
Passion et sa résurrection à ses disciples ; il annonce donc sa mort et la
mort de toute mort pour que la vie triomphe enfin. Et de quoi parlent les
disciples entre eux juste après ? De savoir qui est le plus
grand !! Avouez qu’il y a de quoi
être sinon désespéré au moins abasourdi ! Eh bien, non. Jésus laisse de
côté sa catéchèse fondamentale, dont ses disciples ne veulent visiblement pas ;
il vient les rejoindre sur leur question, même si celle-ci est d’un niveau qui
peut lui sembler dérisoire. « Qui est le plus grand ? C’est ça votre
question ? Vous en êtes encore là ? Eh bien je vais vous le dire. Le
plus grand c’est celui qui, aux yeux du monde, est le plus petit, l’enfant. »
Et pour que ce soit bien
clair, Jésus prend un enfant et le met au centre. Voilà le plus grand ! En
un geste, Jésus met en œuvre la plus grande réforme religieuse et la plus
grande révolution politique de l’histoire : cela vaut 1 000 conciles et 100 000 bastilles ! Ce qu’il y a de
plus grand, nous enseigne Jésus, c’est ce qui n’a pas encore grandi et qui a
besoin de nous pour croître. De ce point de vue-là, le plus grand Royaume,
c’est le Royaume de Dieu !
On commence à y voir plus
clair sur ce que nous devons faire pendant l’année. Il nous faut mettre au
centre de notre communauté les
Ecritures et l’esprit d’enfance !
La deuxième lecture, la si
belle lettre de Jacques nous aura prévenus d’un danger. Quand vous priez, vous
ne priez que pour obtenir ce que vous allez « tout dépenser en
plaisirs » (citation). Car, je le cite toujours, nous sommes « pleins
de convoitises » ; c’est de cela que naissent les guerres, les
rivalités, les jalousies. Or nous dit Jacques, « c’est dans la paix qu’est
semée la justice ». Au centre
de nous-mêmes et entre nous, laissons la
paix de Dieu s’installer et semons-y la
justice. On pourrait le dire ainsi : le sol du centre de nous-mêmes et
de la communauté, c’est la paix de Dieu, autrement dit « le Christ qui est
notre Paix » comme le dit saint Paul aux Ephésiens et sur ce sol de paix
nous mettons la bible, l’esprit d’enfance et l’esprit de justice.
Cela ne nous retire pas du
monde mais nous y envoie. Jésus envoie ses disciples dans le monde, dotés de
l’Esprit de Dieu pour qu’ils fassent ce qu’il a fait, qu’ils fassent même des
choses plus grandes, ose écrire saint Jean. « Si quelqu’un veut être le
premier, qu’il soit le serviteur de tous » dit Jésus dans la page d’aujourd’hui,
ou bien, ailleurs dans l’Evangile :« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». Nous avons à
être des serviteurs.
Mais serviteurs de
qui ? De quoi ? Franchement, l’histoire de Valpré ne manque pas
d’éléments pour nous aider à répondre. Mais aussi riche qu’elle soit, il nous
faudra la prolonger, la dépasser. Comme le dit Vianney, ce jeune chanteur
chrétien aimé des jeunes : « la
vie vaut par ce qu’on laisse à l’avenir ».
Il faut donc laisser à l’avenir la possibilité de nous dire là où il nous
attend et ce qu’il attend de nous.
Notre société change à
grande vitesse. Prenons un exemple, un seul : les évêques de France ont publié
avant hier un texte d’une centaine de pages pour dire non à la PMA pour les
femmes de même sexe ou les femmes seules, c’est-à-dire pour dire non à la
Procréation qui prétend se passer de père. Je les trouve admirables. Mais
quelle misère pour notre société : pourquoi nous faut-il 100 pages
expertes et documentées pour dire ce qui tient en une phrase : « j’ai un papa et une maman et je souhaite la
même chose à tous les enfants
du monde». L’idéologie de la technique pour laquelle ce qui est
techniquement possible est moralement acceptable est en train de modifier notre
culture, peut-être notre civilisation. Voilà un défi absolument immense. Le
relever ici à Valpré, c’est impensable ; c’est d’un orgueil démesuré. Mais
faire silence en attendant que ça passe, est-ce mieux ?
Notre appel ne serait-il pas
de projeter sur le monde d’aujourd’hui la lumière de l’Evangile comme des
projecteurs sur une scène de théâtre ou des lampadaires dans la rue. Si nous
n’allumons pas dans notre monde, partout où nous sommes et donc ici à Valpré la
Lumière du Christ, comment nos contemporains pourraient-ils ne pas trébucher,
voire tomber ? « Vous me parlez
de PMA et du droit à l’enfant pour les couples de femmes ? J’ai bien
entendu mais écoutez ceci : plus grand que le désir des adultes, il y a
l’enfant. C’est lui qui est au centre et vos discussions en chemin, vos tweets
ou vos interviews n’y changent rien : c’est lui le plus grand, si vous
voulez savoir ! » Voilà ce qui pourrait être notre service
dans les années à venir : mettre la lumière devant les pas de nos
contemporains qui sont nos frères. Qu’ils soient scientifiques, chefs
d’entreprise, salariés, chômeurs, réfugiés, paysans bio, etc. etc. Cela
témoignera de notre esprit de service.
Au centre de nous-mêmes,
nous mettrons donc, sur un tapis de Paix, à côté de la bible, de l’esprit
d’enfance et de l’esprit de justice, l’esprit
de service. De là naitront une écoute renouvelée de la Parole de Dieu, un
sens une nouvelle fois revisité et approfondi de nos eucharisties et une
communion toujours plus forte entre nous.
Seigneur, sois notre boussole et notre force ; ne nous
laisse pas livrés à nous-mêmes ; fais germer ce que Tu as déposé en nous.
Nous implorons toutes tes grâces en ce jour de nouveau commencement. Amen.
Arnaud Alibert, aa
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