Raz-le-bol!
Lundi
11 mars, mon mot du jour :
Raz-le-bol.
Je
le portais en moi depuis plusieurs semaines ce mot... Les événements
de la semaine dernière l'ont fait éclater!
La
condamnation du cardinal Barbarin pose à ma conscience républicaine
un grave problème de droit. Le tribunal qui l'a condamné est à mes
yeux un tribunal légitime et « je fais confiance à la justice
de mon pays » comme nous disons tous. Cependant, les
attendus du jugement soutenant sa nature et sa sévérité ne me
convainquent pas. Non spécialiste du droit, mais non dénué de
connaissances non plus, je me retrouve assez dans cette analyse de
Henri de Beauregard, avocat pénaliste : « Cette
condamnation m’interroge pour deux raisons. La première est que
cela signifie que le délit s’étend à l’obligation de dénoncer
des faits eux-mêmes prescrits. La seconde veut dire que l’obligation
de dénonciation s’étend au cas d’une personne qui a subi une
agression étant mineure et qui s’en ouvre étant majeure. Si
elle-même à ce moment-là n’a pas fait le choix de déposer
plainte, la personne à qui elle se confie aura l’obligation de
s’en ouvrir à la justice... Entendue telle qu’elle a l’air
d’être entendue, cette infraction peut imposer le déclenchement
d’une procédure judiciaire sans ou contre le consentement de la
personne victime…
».
(extrait de
https://fr.aleteia.org/2019/03/08/cardinal-barbarin-cinq-questions-autour-dun-verdict-indedit/)
.
J'ai
aussi lu avec grand intérêt
https://srp-presse.fr/index.php/2019/03/08/letrange-condamnation-du-cardinal-barbarin/
&
https://fr.aleteia.org/2019/03/09/nos-pensees-vont-au-cardinal-barbarin/
D'autres
avis tout aussi autorisés vont dans le sens contraire... On n'en
finirait pas de les citer.
Alors
qui faut-il croire ? Mon avis ? Celui des experts ? La
justice de mon pays ? Y a-t-il malveillance ? Complot ?...
Raz-le-bol !
La
satisfaction de « la Parole libérée » (et combien
derrière elle... on imagine) est dure à recevoir, car le cardinal,
par bien des aspects de sa vie, a prouvé qu'il était un citoyen qui
fait honneur à notre pays et un vrai homme de Dieu. J'ai beaucoup
reçu de son enseignement et de son exemple et je le vois partir avec
peine. Ai-je la possibilité de le dire ? Les victimes de
Bernard Preynat peuvent-elles entendre mes simples mots d'aumônier,
sans me classer parmi les prêtres « de l'Institution »
qui préféreraient l'honneur de l’Église à leur souffrance ?
Je ne suis pas de ceux-là et je ne suis pas sûr qu'il en existe
d'ailleurs ! Je ne veux pas juger La Parole Libérée, je ne
veux pas juger la personne du Cardinal !
Raz-le-bol !
Je
veux simplement dire que tout le Cardinal n'est pas dans cette
condamnation ni dans ce qu'il a fait pour l'encourir. Cela est vrai
de toute personne.
Reste
une incompréhension lourde que je ne retrouve pas dans les papiers
que j'ai consultés : ce qui nous est donné de voir du
fonctionnement de l’Église m’apparaît étranger à ce que je
porte ! Je
ne rêve pas d'une Église vertueuse et « sainte » au
sens commun du terme ; mais je me désespère de la voir
sinueuse. De cette Eglise, qui ne sait pas retrouver le chemin du commun des mortels et du bon sens du peuple, j'en ai, c'est vrai, raz-le-bol !
Je
m'explique sur ce point précis : avant le moment propre de
l'ordination du prêtre, au début de la célébration qu'il préside,
l'évêque demande explicitement : « savez-vous si le candidat
a été jugé digne ? » (Il s'agit évidemment de sa
dignité morale et non de la dignité substantielle de tout être
humain) Et un témoin qualifié, après un propos plus ou moins long,
conclut toujours : « J'atteste qu'il a été jugé
digne » ? Pour moi, cela n'est pas une condition d'un
jour ; c'est la condition pour toujours. Raz-le-bol
des
circonvolutions spirituelles qui prétendent le contraire.
Ainsi,
je demande : pourquoi, quand le prêtre perd cette dignité
morale, comme c'est le cas dans l'Affaire Preynat, ce point faisant
consensus, ne lui retire-t-on pas le ministère ? Tout
simplement ! Sans entrer dans les arguments compliqués de la
théologie des sacrements qui évaluent si on est prêtre pour
toujours ou tant que tel ou tel point... Je ne parle d'ailleurs pas
de reconduction à l'état laïque, mais de retrait de tout
ministère.
Car,
il nous faut, nous l’Église, être plus clair aux yeux de tous :
la dignité morale étant perdue, tant qu'elle n'est pas recouvrée,
tant que les victimes qui sont « des brebis confiée au pasteur
du troupeau », brebis trompées et meurtries par celui qui
devait les protéger, n'ont pas exprimé leur pardon, tout ministère
est interdit au prêtre en cause ! Il ne va tout de même pas
continuer à célébrer la messe et le sacrement du pardon, comme si
de rien n'était ! Raz-le-bol
de ce genre de permission scandaleuse ! Le scandale est à son
comble en 2013 quand, on ne sait quelle procédure ou commission en
arrive à conclure que « ma foi », suis-je tenté
d'ajouter, il convient de nommer l'abbé Preynat Curé-Doyen, alors
même que sont connus par ses supérieurs (un prêtre avouera dans la
réunion des prêtres de 2016, tenue à Valpré, à la demande du
Cardinal, au fort de la première tempête : « on était
nombreux à savoir... ») et le passé criminel et la
souffrance actuelle des victimes, fidèles du diocèse. Curé-Doyen,
premier représentant de l’Église sur le canton (ou équivalent).
On croit rêver !
Ainsi,
dans l’Église que je croyais être celle d'aujourd'hui et que je
suis réduit à espérer pour demain, quand le cardinal reçoit le
P.Preynat qui lui avoue ses abominations d'avoir touché à
l'intégrité d'enfants, il lui retire son ministère dans
les jours qui suivent.
Aux procédures de justice canonique et civile ou pénale
d'apprécier, à leur rythme, la situation et d'en tirer les
conséquences. Dans le cas d'espèce, cela serait intervenu en 2007.
Et on n'en serait certainement pas là. A défaut, qu'observe-t-on
aujourd'hui ? Ce sont tous les prêtres qui sont suspects, car
tous sont possiblement des délinquants couverts par l'institution.
Raz-le-bol
de
cette paresse intellectuelle qui est une forme de lâcheté dont font
preuve bien des institutions, pas seulement l’Église, loin s'en
faut. Laquelle ? Cette habitude de croire, qu'on a fait ce qu'il
fallait faire, qu'on a bien éloigné les enfants du danger, qu'on a
vérifié qu'il n'y aurait pas de contact avec telle personne...
Raz-le-bol ! Il
y a des enfants partout ! Personne ne peut garantir qu'il n'y
aura pas de contact ! Évidemment, me rétorquera-t-on, ce n'est
pas en retirant le ministère qu'on évite le danger ; mais au
moins il deviendrait clair que le délit qui surviendrait serait
commis par une personne et non par un prêtre. L'histoire ne sera
plus alors une histoire d'Eglise mais une affaire de sécurité
civile, un sujet de société, laquelle a une police et une justice
pourvues de moyens suffisants.
Les
étudiants que je fréquente ne veulent pas de cette Église engluée
dans ses procédures et son vocabulaire qu'ils ne comprennent pas !
Ils veulent que ce soit clair : une fois le cas avéré (preuve
irréfutable ou aveu) le délinquant est écarté, comme dans tout
autre métier. Et il n'y a pas de « Mais ». Toutes ces
contorsions :
raz-le-bol !
disent-ils désormais tout haut !
Ces
jours-ci, je rencontrai des parents engagés dans l’Église qui
m'avouaient que pour la première fois, ils ne souhaitaient pas que
leurs enfants aient une vocation religieuse et que si un tel désir
venait en eux, ils auraient du mal à l'accompagner avec
enthousiasme. A cause de cette affaire Preynat, à cause du reportage
« à vomir » (dixit une autre mère de famille) paru sur
Arte
(https://www.arte.tv/fr/videos/078749-000-A/religieuses-abusees-l-autre-scandale-de-l-eglise/
)!
A cause du doute, né d'un manque de clarté et de fermeté ! Il
semble si simple à ces parents d'être clairs et fermes. Ils ne
veulent pas d'une Église qui ne le soit pas. Pour eux aussi,
raz-le-bol !
Que
faire maintenant ? Franchement, je ne sais pas. Nous, l’Église
catholique, vivons un véritable naufrage moral, bien pire que la
tempête médiatique, laquelle passera. Il nous faut renaître de
l'Esprit, nous dit Jésus il nous faut des saints pour nous montrer
comment.
Si
tous ces événements ont contribué à ce que je retrouve cette
simple et antique prière d'appel à la sainteté, alors mon amertume
et ma peine dont témoignent ces lignes n'auront pas été vaines.
P.Arnaud
Alibert, assomptionniste, aumônier étudiant à Lyon.
Salut Arnaud.
RépondreSupprimerJ'aimerais vraiment approfondir cela avec toi. Dommage que nous soyons si loin !
Quand tu écris "un prêtre avouera dans la réunion des prêtres de 2016, tenue à Valpré, à la demande du Cardinal, au fort de la première tempête : « on était nombreux à savoir... »"
Ne serais tu pas sensé dénoncer à ton tour ce prêtre qui savait et qui n'a rien dit...?
Amitiés
Loick
Ta question est cocace! suis-je en contravention avec la loi, ainsi que 300 autres personnes présentes dans la salle ? Si le jugement de Barbarin est confirmé en appel, il faudra effectivement que le juge se prononce sur le délit de "non-dénonciation du silence de lanceurs d'alerte"; cela me parait de plus en plus fou! Pour le reste, on en parle quand tu veux; envoie moi un mail!
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