2025 Mon premier Frat
Je publie ici 4 articles issus de mon expérience du Frat, une expérience marquante. Les lecteurs de La Croix en ont eu la primeur.
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Éditorial
Frat de Lourdes 2025 : la jeunesse nous réveille https://www.la-croix.com/a-vif/frat-de-lourdes-2025-la-jeunesse-nous-reveille-20250416
Plus de 13 000 lycéens se sont rassemblés à Lourdes du 12 au 17 avril lors du Frat, pèlerinage annuel des jeunes d’Île-de-France. Un nombre record.
L’image est belle. 13 500 lycéens du public comme du privé, 300 à 400 bénévoles, certains retraités, mais pour la plupart jeunes pros ou parents qui posent des jours de congé, aidés de plus de 200 prêtres, dont presque la moitié venant d’Afrique ou d’Asie… Tous rassemblés à Lourdes pendant quatre jours pour le Frat, pèlerinage des lycéens d’Île-de-France.
Bien avant de commencer, ce rassemblement faisait parler de lui : une participation qui s’envole – une courbe parallèle à la hausse des demandes de baptême – et des réseaux sociaux qui se sont affolés autour de l’événement. Ce Frat 2025 est donc plus une lame de fond qu’une simple vague. Ces jeunes croyants, sans arrogance, applaudissant comme des stars ceux d’entre eux qui osent dire leur maladie ou leur handicap, veulent un monde généreux ! Au Frat, un mot était sur toutes les lèvres et dans tous les chants, comme ressuscité – le terme est de circonstance à Pâques : « Dieu ». Sans arrogance, sans prosélytisme, avec cette conscience qu’Il unit tous les humains mieux que tous leurs projets. Et il ne s’agit pas d’un phénomène local, seulement francilien. Ailleurs en France, la même poussée se fait sentir.
Cette jeunesse exulte, littéralement, elle « bondit hors de ». Pour retomber sur quel terrain ? La petite cour de leur intériorité, comme le voudraient les partisans de la privatisation de la foi ? La seule Église, comme pourraient l’espérer les partisans d’une reconquête catholique, dont il n’a pas été question une seule fois à Lourdes ? Non, ce sont tous les champs de la société, en particulier les réseaux sociaux, que ces jeunes vont investir. Demain, ils seront, pour la plupart, étudiants puis au travail, pères et mères, citoyens. Ce n’est pas seulement l’Église que ces jeunes réveillent.
Frat de Lourdes 2025 : près de 900 jeunes reçoivent le sacrement des malades
« Émouvant, saisissant ». Mgr Benoît Bertrand, ancien pharmacien hospitalier, avant d’être prêtre puis évêque de Pontoise, cherche les mots. « Ce qui est marquant, c’est de vivre le sacrement des malades avec des jeunes. Nous sommes habitués à le donner aux générations d’après ! Mais dans un pélé où il y a tant de vies et de fête, que d’épreuves aussi… »
Lundi soir, en effet, sur le large podium du Frat, l’évêque auxiliaire de Meaux, Guillaume de Lisle, qui préside la célébration, évoque son histoire personnelle. Un évêque qui fend l’armure, le moment est ressenti par tous les participants comme unique. Après quelques années de sacerdoce, on lui découvre un cancer de la peau. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Que vais-je faire de cette maladie ? Ses questions sont aussi celles des 13 000 jeunes qu’il a devant lui.
L’évêque, ému mais précis, s’aide du prompteur pour dérouler son témoignage de malade guéri et de pasteur. Lui, à qui aucun confrère n’avait proposé le sacrement des malades au moment où il en avait besoin, profite de ce moment pour en offrir la possibilité aux jeunes devant lui. Il n’a pas de mal à trouver les mots justes quand il s’approche de deux lycéennes, Ketsya et Valentine, pour leur donner le sacrement des malades.
La première a fait de sa maladie l’occasion de voir « Jésus comme un ami » et avoue devant tous : « Je vais recevoir le sacrement des malades pour avoir sa force et aussi pour les personnes qui ne sont pas bien pour qu’elles soient fortes. » Valentine, atteinte d’une maladie génétique rare, est dans la même disposition : maintenant qu’elle sait que sa maladie est stabilisée, elle peut en parler à ses copines sans nourrir en elles l’angoisse du lendemain mais en réveillant la foi en Dieu « qui est là ».
Alexandra, de dix ans leur aîné, a reçu ce sacrement au Frat 2016, à l’âge de 17 ans. Dans sa révolte, elle en avait refusé l’idée, tenant Dieu pour responsable de son cancer de l’hypophyse : « Pourquoi demander de l’aide à Celui qui m’a fait ça ? » Mais, reconnaît-elle, elle change d’avis. Elle comprend que « Jésus, c’est la main qui m’est tendue pour me relever et non la main qui m’a fait tomber ».
Tonnerre d’applaudissements dans la basilique Saint-Pie-X pleine à craquer, pour libérer le trop-plein d’énergie, et s’époumoner librement avec le groupe de pop louange Be Witness, qui entonne : « Tout est possible à celui qui croit. Au nom de Jésus rien d’impossible, oui, je crois en toi. »
Mais c’est dans un grand recueillement, souvent sous d’abondantes larmes, que 900 jeunes reçoivent l’onction de l’huile des malades, par près de 200 prêtres présents. La proportion peut sembler énorme mais elle reflète une situation que les jeunes ne cachent plus : leurs maladies, leurs addictions, leurs dépressions. « Ils ne sont pas malades de leur âge ; ils sont touchés », insiste Mgr Bertrand. L’Église ouvre plus largement l’accès à ce sacrement, « par grâce et non par faiblesse », précise-t-il.
Le père Gaultier de Chaillé, prêtre responsable du Frat, du diocèse de Versailles, souligne que les jeunes ont été préparés, de sorte que le sacrement n’est évidemment pas donné à la légère. Il doit « être sorti de la théologie de l’extrême-onction, ajoute-t-il. Il y a des solitudes profondes qui peuvent conduire à des tentatives de suicide. Le sacrement est une grâce pour ces jeunes-là. Nous ne galvaudons pas la grâce ; nous l’offrons ».
Chronique https://www.la-croix.com/religion/frat-de-lourdes-2025-l-envie-de-prier-des-jeunes-20250414
Frat de Lourdes 2025 : l’envie de prier des jeunes
13 500 jeunes étaient rassemblés dans la basilique souterraine de Lourdes pour la messe des rameaux et l’ouverture du FRAT 2025. LAURENT FERRIERE / Hans Lucas/AFP
Prêtre assomptionniste et rédacteur en chef religieux à La Croix, Arnaud Alibert suit pour la première fois le Frat à Lourdes, ce grand rassemblement des lycéens qui a attiré cette année plus de 13 500 jeunes, un record, dans la cité mariale. Pendant trois jours de ce pèlerinage, il nous partage son carnet de bord.
On ne vient sans doute pas au Frat, à Lourdes, par hasard, mais avant tout en groupe avec les copains de lycée. Mais pourquoi ? Pour Dieu, « parce qu’on a la foi », la réponse hésite certes mais cible l’essentiel, souvent après avoir mentionné l’envie de ne pas manquer cet événement unique.
En témoignent ces plus de 2 000 jeunes au petit matin de ce lundi saint, traversant l’esplanade pour participer à la messe qui est un « bonus », en plus du programme officiel du rassemblement. Ou bien dimanche soir, en procession, tous présents, formant une coulée lumineuse dans la nuit de Lourdes, comme en plein été quand les soirées sont douces après des journées trop chaudes, mais cette fois dans un printemps hésitant qui laisse une large place à la pluie.
La procession s’étire sur plus d’un kilomètre, serpentant depuis la Grotte jusqu’à la basilique du Rosaire. Les jeunes ont répondu présent, voulant vivre le Frat « à fond ». Venu avec leurs copains de l’École Notre-Dame Les Oiseaux de Verneuil-sur-Seine, dans les Yvelines, muni du signe distinctif bleu roi de l’établissement, Titouan affirme être venu pour prier. Se ravisant, il ajoute : « C’est aussi parce qu’on est avec les copains, mais c’est vrai que j’aime prier et chanter. »
Ayant connu, comme lui, le rassemblement éponyme des collégiens à Jambville, Mayeul complète : « Je voulais revivre ça. » Car au Frat, les choses sont différentes, jusqu’à la messe de ce dimanche des Rameaux : « Chez moi, la messe est moins prenante… mais peut-être que si elles étaient toutes comme celle-ci, ça ferait trop. Il faut que ça reste exceptionnel. »
Rompant avec la consigne d’arborer du bleu ciel pour rappeler le diocèse de Nanterre, le lycée de la Trinité est immanquable avec ses chapeaux de cow-boy roses qui rendent le groupe « bien visible », explique l’animatrice, tant « pour ne pas se perdre » que pour « exister au milieu de la foule ». Se lançant avec cœur dans la première dizaine du chapelet de la procession, celle qui porte la bannière de l’établissement ne sait pas combien elle va en dire : « Je ne prie jamais le chapelet. »
Clémence répond à la place de sa copine qui sèche : « Entre deux Notre Père, il y en a dix. » Elle non plus ne prie jamais le chapelet, et pour cause, elle est protestante ; elle le sait par sa mère catholique. Alors, ici, elle prie Marie, tout en se définissant protestante même si elle fait « beaucoup de trucs avec les catholiques ». Sans confondre, elle pense qu’on ne peut pas être les deux, un peu de chaque : « Il vaut mieux être vraiment l’un ou l’autre », confie-t-elle pour finir.
De l’avis du père Philippe Néouze, chargé de la liturgie de la messe des Rameaux inaugurale du Frat 2025, les silences après l’homélie et après la communion ont été exceptionnels, vu le nombre de lycéens rassemblés en un seul espace. La joie qui éclate au chant final ou à la sortie, dans les rues, au rythme des tambourins et des sifflets, n’est que l’attestation supplémentaire qu’ils sont bien des jeunes de leur temps.
Frat de Lourdes 2025 : ces musiques qui font prier les jeunes
« Le Frat, c’est la musique », affirme dans un sourire d’exagération complice Marguerite Niel, chargée de mission, l’une des deux salariés permanents du Frat. Une musique qui s’installe partout, dans les rues de Lourdes au son des refrains repris à tue-tête, dans les casques sur leurs oreilles d’ados entre deux temps forts, et lors des célébrations.
La soirée de louange, tant attendue, a eu lieu mardi 15 avril dans l’immense basilique souterraine comble. À l’affiche, Be Witness, une des trois références de la pop louange française, après Glorious qui a créé ce genre musical, et Hopen. La pop louange, qui rencontre un vrai succès partout en France, est une hybridation de rythmes et mélodies de type pop avec des paroles catéchétiques ou spirituelles, souvent tirées de la Bible.
Le volume sonore élevé et le jeu des lumières tournantes fournissent à la prière son écrin rapidement qualifié « d’évangélique, à l’américaine ». Le père Corentin, curé de Sartrouville (Yvelines), en soutane, assis au sol près de ses jeunes, parmi les 13 500 participants, reconnaît le savoir-faire de Be Witness : « Des mélodies intuitives que tout le monde reprend dès la première écoute » et cette capacité étonnante à ramener le calme après les cris de joie.
Pour Clément Bluteau, le leader du groupe, chanteur et compositeur, « la louange est première dans la vie. La musique doit permettre qu’elle devienne une expérience virale que les jeunes se transmettent parce qu’elle est écrite avec leur code, dans un langage qui leur est familier ». C’est pourquoi elle est appelée à se transformer avec son époque.
Commencée avec N’aie pas peur, l’hymne du Frat 2023, la veillée enchaîne sur Au creux du rocher, celui du millésime 2025, dans lequel le déplacement se constate à l’oreille. Timothée, cofondateur de Be Witness, l’explique : « Nous nous sommes immergés pendant trois mois dans la musique actuelle des jeunes. Aujourd’hui, c’est la musique dite urbaine qui est leur bain naturel, une musique moins pop et plus chantée que le rap, qui peut se marier aux exigences d’un chant d’assemblée avec un refrain en boucle, dans un texte moins long que ceux des chants des cités. » Le résultat fait mouche.
Le Frat donne à entendre d’autres artistes, tous chrétiens, pas forcément catholiques et dont le travail, tel celui de Zita, jeune chanteuse, sur le podium avec Be Witness, ne se fait pas entendre dans les églises. « J’espère rejoindre les cœurs là où ils sont », confie-t-elle. Les plus connus sont les Guetteurs, dont la matrice musicale est le reggae jamaïcain des années 1970, dans lequel le jeune et plein de talents Fratoun, son fondateur, reconnaît une musique qui progresse comme au rythme de la marche d’un pèlerin, avec des ruptures à contretemps qui sont « comme des coups de sagaie d’un explorateur dans une forêt vierge », ou les cris d’une « prière de combat pour choisir Dieu en le suivant » coûte que coûte.
Vinz le Mariachi (1), batteur des Guetteurs, lui aussi compositeur au savoir encyclopédique sur la musique chrétienne, irait volontiers piocher dans le Livre d’Isaïe la parole qui explique tout ce travail : « Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé » (Is 50).
Toutes ces expressions musicales montrent une créativité éruptive qui est une marque propre de l’Église de France. Cela ne signifie pas que le répertoire classique soit oublié pour autant. Au matin du dernier jour, sous un soleil lourdais retrouvé, Anaël Pin, autre talent de la scène chrétienne, a su faire interpréter un céleste Ave Maria de Caccini à quatre voix, par une chorale de « Frateux » formée pour l’occasion.
(1) Auteur du Nom du Père. Récit métissé. Première partie, 2024.
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