"ainsi soient-ils" la saison 2.


Ainsi soient-ils! Saison 2


L’Eglise en plein cœur!

Arte s’apprête à diffuser deux ans après la saison 1 une nouvelle série de 6 épisodes de la saga des séminaristes du séminaire des Capucins. Cette fiction est audacieuse à plus d’un titre et la critique professionnelle de concert avec le public ne s’y est pas trompée.

Je ne suis pas critique de cinéma. Engagé dans la vie ecclésiale depuis mon enfance, je suis entré en formation vers le sacerdoce en 1991 (précisément en GFU, une espèce d’alternance pendant les études supérieures) puis au séminaire en 1999 et ordonné prêtre en 2005.

J’ai éprouvé bien souvent combien la figure du prêtre est importante pour les fidèles, car elle est un des symboles de leur vie intérieure et du message qu’ils veulent adresser au monde. D’autres symboles existent, à commencer par le pape ou les catéchistes, mais celui-ci est particulièrement fort. Toucher à cette figure c’est donc d’une certaine manière s’approcher de très près d’une zone pleine de sensibilité parmi les croyants.

Les problèmes rencontrés par les prêtres dans leur mission ou, hélas, suscité par leur comportement font très mal. On s’empresse souvent de les expliquer et partant de les  relier à une prétendue impréparation des prêtres à leur mission, soit que la formation aurait été mal faite, soit qu’elle soit trop ancienne et non entretenue par un système digne de formation continue.

On a parfois raison de raisonner ainsi ; et parfois, on est à côté de la plaque. En tout cas, cette série touche bien « le cœur de la cible ».

L’honneur de l’Eglise

La série “Ainsi soient-ils” montre des prêtres et des évêques en train de former leurs futurs pairs. Elle n’est pas un documentaire mais un propos d’artiste qui n’a de justification que son talent.

L’Eglise de France peut s’enorgueillir de cette liberté qu’elle donne à ses contemporains de la représenter. Cette liberté, non seulement l’honore, mais, si on veut bien y réfléchir, lui sert: elle est à son tour d’autant plus libre de s’adresser à la société avec la force de ses convictions, sans autre justification elle-non plus que le témoignage de la vérité qu’elle porte.

Dans le débat qui a suivi la projection à laquelle j’ai assisté, une personne a d’ailleurs bien fait remarquer qu’un tel film serait impensable dans des pays, la Grèce était citée, où l’institution religieuse est particulièrement susceptible.

Soyons positifs

La saison 1 m’avait très favorablement impressionné par la qualité de la transmission des liturgies. J’avais apprécié à la fois la vérité de l’image par rapport à l’objet cultuel qu’elle rendait et chose rarissime l’infinie délicatesse, invisible à l’œil profane, avec laquelle le scénario et les dialogues évitaient d’employer exactement les phrases et les gestes réservés aux prêtres, étant entendu qu’aucun des acteurs ne l’est. La production faisait preuve ainsi d’une sorte de réserve par pudeur et sens du sacré. Les 2 premiers numéros de la saison 2 que j’ai pu voir dans le cadre du festival Series mania (Paris, Les Halles, avril 2014) se situent de la même manière. Bravo et merci.

Entrons dans le propos du film.

Je passe volontairement sous silence les différentes intrigues qui portent le scénario.

La diversité des séminaristes renvoie de manière assez juste, bien que grossie, à la diversité des candidats au sacerdoce. Le public averti y voit même les lignes de fracture qui lézardent le paysage ecclésial. D’épisode en épisode, le téléspectateur entre davantage dans l’Eglise ; il la découvrira assurément moins monolithique et moins organisée qu’il s’y attendrait ou  qu’elle n’y parait de loin. « Ainsi soient-ils », d’une certaine manière, montre une Eglise fragile ; cette série la rend plus humaine et donc plus fidèle au Christ. On peut même penser qu’elle la rend plus aimable, quand bien même des personnages y déploient des traits de caractère que l’on souhaiterait de bon droit ne pas y voir. Mais qui pourrait croit encore que l’Eglise est composée de saints? Elle même se qualifie à Vatican II comme “semper purificanda” c’est à dire devant toujours se purifier. Le scénario du film ne montre nullement une Eglise sure d’elle-même, arrogante qui ferait obstruction à cette humilité. Ses ambassadeurs sont autant l’intriguant cardinal que les séminaristes eux-mêmes. L’image de l’Eglise en sort plus juste, j’ose dire grandie.

Soyons aussi lucides

Naturellement quelques traits sont gros ; d’autres sont pure invention. La série ne donne évidemment pas un portrait de l’Eglise ; il en est en quelque sorte une parabole. L’exemple le plus magistral est la “promotion” des héros.

Il y a toujours eu parmi les candidats au ministère des repris de justice, des jeunes candides, des homosexuels, des pauvres, des riches, des jeunes ados qui découvrent les charmes de jeunes filles, des anti alcooliques et de sacrés lurons, etc… Rien de surprenant de les retrouver aux séminaires des Capucins. Ce que la loi cinématographique oblige est de condenser tous ces caractères sur une même classe d’âge. Or qu’attend-on d’une fiction? N’est-ce pas justement cet effet de loupe qui nous met en garde et  nous réveille dans notre vie réelle ?

La série met aussi en scène des ecclésiastiques ambitieux leur personnage est antipathique. A la réflexion, c’est une bonne antipathie : le film autorise à l’indignation, ce que le respect dû au prêtre empêche de formuler dans bien des cas concrets.

L’Eglise et le sexe

La série insiste beaucoup trop sur cet aspect des choses; Yan, le jeune scout devenu séminariste, a une formule très juste envers Guillaume, lequel se plaint des entretiens psychoaffectifs mis en place par le séminaire: “c’est toi qui a un problème avec ça”. On pourrait étendre cette formule à tous ceux qui s’imaginent que c’est la grande affaire de ces jeunes hommes. La vie au séminaire est moins sexualisée que les murs du métro parisien, c’est une évidence.

Le film a tout de même l’avantage de rappeler que cette dimension de l’existence humaine est incontournable et que pour le Guillaume en question, elle tourne au cauchemar. Comme lui, certains séminaristes, et c’est à mettre à leur crédit, jouent une partie de leur combat spirituel sur le registre sexuel, qui n’est pas le plus facile! Le film ne l’ignore pas, c’est rare.

Là où le film quitte les rails de la réalité, c’est dans la fixation du supérieur sur ces questions et les méthodes « staliniennes » qu’il emploie. Les questions qu’ils posent relèvent d’une ingérence qui n’a pas lieu dans les séminaires français, ou qui si elle était révélée ne trouverait aucune voix  parmi les évêques et les autorités de tutelle pour la défendre. Moi même, je n’aurai pas supporté le “quart du commencement d’une” comme dit Cyrano. Pourtant, je n’ai pas manqué d’être interpelé sur ma sexualité au cours de mon séminaire; mais la finesse et la délicatesse avec lesquelles les choses ont été dites ont rendu ces moments constructifs et libérants, à l’inverse des séances montrer à l’image. En ce point précis, la caricature est ratée : elle perd son objet.

L’Eglise et l’argent. 

Le film montre des bâtiments monumentaux appartenant à l’Eglise, en l’occurrence à la conférence des évêques de France. Il suffit d’aller à leur siège national pour voir combien la réalité est bien plus modeste. Mais on sait aussi que l’Eglise, dans son sens large, est un riche propriétaire foncier. La richesse des bâtiments est donc mal attribuée dans le film, mais elle n’est pas fausse. Surtout, ce patrimoine est montré comme un poids, ce qui est bien le cas. L’intrigue financière d’une faillite de l’Eglise de France, que l’on subodore dès les 2 premiers épisodes, à cause d’un déficit de 64 millions d’euros (si ma mémoire est bonne) est évidemment fausse, mais elle n’est pas irréelle: il y a des diocèses qui endurent le temps présent (pour ne pas dire qui tirent le diable par la queue). Le montant du film est de l’ordre de la pure science fiction; mais la réalité est dite: l’Eglise est pauvre et a des soucis pour boucler ses fins de mois comme des millions de foyers.

Prudence tout de même

J’attends la suite avec impatience. Pour deux raisons.

1/ parce que les personnages sont attachants ; je me surprends en train de désirer que chacun de ces séminaristes aillent jusqu’au bout du discernement ecclésial, se laissant transformer comme tant d’autres, comme moi-même l’ai été, par ce temps du séminaire, à défaut de l’être par l’institution elle-même.

2/ parce que la situation laissée à la fin de l’épisode 2 est le calme avant la tempête. Je conjecture que ce séminaire des capucins va encore rencontrer bien des épreuves, venues de l’extérieur et même de l’intérieur du conseil des pères. Or, comme le dit saint Paul, « c’est l’épreuve qui vérifie notre foi »….

Une dernière touche

A la fin de la projection des épisodes 1 & 2, au cours du débat, j’ai pris la parole pour donner mon point de vue, celui de ces lignes. J’ai souligné une jubilation, partagée par d’autres confrères et amis, dont je me sers ici de conclusion : quelques citations de textes, bibliques ou non, d’une justesse incroyable, donnant d’entrevoir la richesse du patrimoine spirituel dont vivent les prêtres et plus largement les croyants. Ils sont eux-aussi, eux surtout, d’autres visages de l’Eglise, montrés ici non des pièces de musées, mais comme des mots qui parlent aujourd’hui. Je suis convaincu que ceux-là marqueront les esprits autant sinon plus que le scénario lui-même et certains écarts mentionnés plus haut. C’est pourquoi j’ai applaudi, de bon cœur !

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