Messe de cloture de la semaine culturelle. Homélie.
Dimanche 15 juin 2014 – fête
de la sainte Trinité
Homélie.
Cet Évangile a un parfum de testament spirituel de Jésus ; il est
pourtant placé au début de l’œuvre de saint Jean, au chapitre 3 dans le fameux
dialogue avec Nicodème. Or, de quoi est-il question dans ce dialogue ? De
naissance : pour Jésus, tout être après sa naissance à la vie terrestre
est appelé à renaitre à la vie spirituelle. Rien n’est clos au sortir du ventre
de nos mères. Il y a un rebond, un « de nouveau » qui nous attend et
qu’il nous faudra bien vivre. Si nous ne le vivions pas, nous passerions à côté
de la vie telle Dieu l’a instituée pour nous.
Ce rendez-vous à venir est le rendez-vous de l’amour de Dieu. Dieu nous
aime dès la création. Dieu nous aime sur nos chemins humains. Regardons-le
venir à la rencontre de Moïse dans la première lecture : Moïse, sans doute
poussé par un élan mystique, monte à la montagne et le texte dispose que tel
sœur Anne (si je peux me permettre), Dieu le voit venir et va lui-même à sa
rencontre. Et là il se révèle une fois
de plus comme le Dieu saint, un Dieu tendre et miséricordieux, bref un Dieu
ami.
Cet amour de Dieu, nous le savons bien, c’est là notre foi, se manifeste
en Jésus-Christ et cela nous sauve. Pour saint Jean, croire que Jésus est
l’Envoyé du Dieu de miséricorde nous ouvre les portes de la vie éternelle.
Saint Jean l’affirme plus qu’il ne le démontre. Saint Paul, dans sa
seconde lettre aux Corinthiens que nous venons de proclamer, emploie une
formule qui complète magnifiquement cette intuition de Jean. Il s’agit des
derniers mots de cette lettre, ce qui n’est pas un détail, car les derniers
mots sont toujours porteurs d’une pensée ramassée, dense, essentielle.
Là, Paul y emploie une formule
sans doute d’origine liturgique, que nous utilisons nous-mêmes au commence ment
de nos eucharisties : que la grâce du Seigneur Jésus christ,
l’amour de Dieu et la communion de
l’Esprit saint soient avec vous tous. C’est en tout cas celle que
j’utilise systématiquement chaque fois que je préside pour honorer Dieu et pour
me rappeler combien il est prévenant pour nous : en tant que Fils, il se
donne à nous : la grâce du Seigneur Jésus christ ; en tant que Père, il
nous aime : l’amour de Dieu ; en tant que Saint Esprit, il nous
appelle, nous nourrit, nous rassemble : la communion de l’Esprit Saint.
Par cette formule, Paul nous redit le cœur de notre condition
humaine : la mélancolie, la désespérance, la haine n’ont pas de prise sur
nous ; elles sont étrangères à l’homme. La nature humaine est entièrement
habitée d’un amour joyeux, créateur, communicatif. Certes, tout n’est pas beau
en nous, ni rose, ni pacifique. C’est d’ailleurs tout le sens des 3 derniers
chapitres de cette lettre de Paul qui constituent sans doute une lettre à part
entière que les premiers chrétiens auraient collée à la suite des 9 premiers
chapitres (je dis cela pour vous inciter à y aller voir de plus près et pour
montrer à Jacques qu’il existe des étudiants attentifs au professeur
d’exégèse !). Donc, oui, tout n’est pas rose en nous. Dans les versets qui
précèdent cette lecture, Paul s’emporte d’ailleurs ; il flirte lui-même
avec l’orgueil ou la folie pour toucher ses frères-lecteurs. En ce sens, il
n’est pas beaucoup plus raisonnable qu’un assomptionniste ! Mais ce gris
clair ou ce gris foncé qu’il combat et que nous combattons tous n’est en nous
qu’à l’état de traversée, de tension. Ce qui demeure en nous, ce qui fait notre
fond, ce sont la joie, la paix, l’amour.
Le projet d’Adveniat est un projet missionnaire. L’idée principale de sa
fondation repose sur le constat que la congrégation assomptionniste n’ayant
plus d’établissement scolaire en France risquait de se couper du monde des
jeunes et que donc elle risquait de moins les connaitre, de moins les
comprendre et au final de ne plus leur parler, de ne plus appeler. L’ambition
de ce projet es immense, démesurée : dans les quelques jours que dure le
séjour des jeunes passagers, qui se réduisent à quelques minutes passées à
notre contact direct (quand je dis
« notre », je parle des religieux et des laïcs), nous devons
étonner par notre rayonnement de telle manière que le passager entrevoie en
nous une source de vie qui lui serait bonne, au point qu’il décide d’y aller
malgré l’éblouissement que provoquer en lui Paris, la ville lumière, et que ayant remonté le cours
de sa vie intérieure jusqu’à ce point il y perçoive une humanité plus complète,
plus vivante. Tout cela donc, en quelques minutes ou en quelques heures.
Avoir adopté une spiritualité du royaume de Dieu, ce qui est notre cas, nous
engage ici sur deux points :
1/ ce voyage intérieur du passager d’Adveniat est tout à fait possible,
parce que la soif de l’homme ne s’éteint jamais et qu’il y a toujours une part
en lui qui cherche l’absolu
2/ Seul Dieu est capable d’un tel exploit. Car il s’agit de son règne et
non du nôtre. Et ce n’est pas là le moindre des paradoxes : nous aimerions
forcer le destin, je veux dire éviter que ces milliers de jeunes voyagent
« idiot » et pourtant, chaque fois que nous mettons trop de
nous-mêmes, nous rendons plus improbable le temps de grâce de la rencontre avec
le christ ressuscité, ou du moins, nous la différons dans le temps. Il ne nous
est pas interdit d’espérer qu’elle aura lieu sur le chemin du retour. Pour vous
dire la vérité, c’est ce que je crois le plus intimement : ici nous
semons, là-bas aura lieu la récolte. Une fois encore, l’Assomption a
rendez-vous avec elle-même, avec ses propres intuitions qui sont à sa racine,
que je peux dire ici en ces termes : le service désintéressé de
l’Eglise et du Royaume.
« Frères, soyez dans la joie » écrit Paul. C’est une vérité
universelle.
Cette joie chrétienne, dans l’Esprit Saint, n’est donc pas simplement un
simple instrument marketing, un artifice de communication pour charmer nos
passagers et les conduire à Jésus. Elle est un fruit de notre spiritualité.
Nous sommes dans la joie parce que ce que nous percevons de Dieu et de son
œuvre nous met dans la joie.
Cette joie est aussi un don : voilà bientôt 4 ans que je suis au
travail de la mission d’Adveniat, comme force d’appoint au début, comme
directeur ensuite, et cette joie ne m’a pas quitté, malgré la lourdeur de la
tâche, les si nombreux problèmes techniques et les épreuves. Signe s’il en
fallait un que cette joie vient de plus haut ! « La joie est
d’essence divine » disait Jacques dans sa conférence tout à l’heure.
Cette joie fut grande, mais elle n’est rien à comparer de celle qui
vient devant nous.
Dans quelques mois, ou dans quelques années tout au plus, nos chers
passagers reviendront ; ils commencent d’ailleurs à revenir pour certains.
Nous aurons alors de nouveaux cris de joie ; notre joie naitra de nouveau
avec notre être tout entier comme n’ose y croire qu’à peine Nicodème, la joie
de voir la foule qui revient à l’image de la plus folle espérance des prophètes
tels Isaïe qui voyaient revenir en masse au mont Sion le peuple exilé. Jacques
ne nous redonnait-il pas tout à l’heure ces exclamation bibliques :
« Nous avons vu de nos yeux le Seigneur revenir à Sion… Pousse des cris de
joie Jérusalem »
Le souvenir en eux aura préparé leur désir. La grâce de Dieu aura
aiguisé l’appétit de comprendre, la curiosité de connaitre, l’envie de
partager. Ce jour-là, les passagers d’Adveniat préfèreront notre message à
notre emplacement !
C’est alors qu’Adveniat deviendra aussi un champ à moissonner. Nous
serons surpris, nous tous à l’Assomption- peu importe où nous serons à ce
moment-là- , oui nous serons surpris par l’abondance de la moisson. Notre joie
sera alors débordante.
En aurons-nous fini avec le travail missionnaire ? Surement
pas ! Combien plus exigeante est la moisson par rapport aux semailles. Et
une fois que la moisson est là, encore faut-il prendre soin des fruits récoltés
pour que la moisson ne soit pas perdue. Il faudra, une fois encore, pousser les
murs de cette auguste maison. Il nous faudra peut-être de nouveau,
n’est-ce pas Robert ? élargir l’espace de la tente !
Ce travail est à l’image de nos vies. L’œuvre de Dieu qui s’écoule en
nous, selon saint Paul, par la joie, la paix, l’amour et l’amitié ne cesse
jamais de se faire. L’eucharistie que nous célébrons en est le signe et la
réalité.
Je vous le dis en finissant pour vous rassurer : ce toujours plus,
ce toujours encore n’est pas une image de ma névrose personnelle ou de celle
des fils du père d’Alzon. C’est une fidélité à Dieu, selon mots si percutants
du pape François dont je citais déjà l’exhortation apostolique sur l’Evangile
de la joie en début de semaine et que je reprends ici :
Nous parvenons à être
pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu
de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le
plus vrai. Là se trouve la source de l’action évangélisatrice. Parce que, si quelqu’un
a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il
retenir le désir de le communiquer aux autres ?
Le désir dit le pape. Nous rajoutons la joie ! Amen.
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Messe d’action de grâce pour la semaine culturelle d’Adveniat, présidée par Jacques Nieuviarts,aa. Prédication Arnaud, aa.
Liturgie de la parole :Lectures de la messe du 15 juin 20141ère lecture : Du livre de l’Exode. Le Dieu tendre et miséricordieux se révèle à son peuple (Ex 34, 4b-6.8-9)
Cantique de Daniel
2ème lecture :De la seconde lettre de Saint Paul aux Corinthiens. Dans l’amour trinitaire (2Co 13, 11-13)
Evangile : De l’Evangile selon saint Jean. « Dieu a tant aimé le monde...» (Jn 3, 16-18)
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