Prédication lors de la célébation des obsèques de notre frère Jean-Yves



Homélie lors des Obsèques du Père Jean-Yves Le Guen- Assomptionniste




Nous voilà nombreux dans cette église, haut lieu de foi et de joie pour les paroissiens qui célèbrent tous les dimanches la résurrection du Christ, qui célèbre des baptêmes et des mariages.
Aujourd’hui, nous sommes en deuil avec la famille de Jean-Yves, avec la famille de l’Assomption dont il est membre depuis 62 ans et avec l’Eglise de Lyon qu’il sert avec générosité et désintéressement depuis 6 ans.
Je ne vais pas redire plus mal ce que l’évangile proclamé à l’instant (*) dit si bien. La tenue des ouvriers du Royaume est une tenue de service. Votre présence nombreuse ce matin et les multiples messages de sympathie reçus par notre communauté indiquent que cette tenue était celle de notre frère Jean-Yves.

3 signes ont été déposés sur le cercueil.
L’aube. C’est le vêtement de tous les baptisés. Nous l’avons entendu dans la première lecture (*), nous appartenons au Seigneur, dans notre vie comme dans notre mort. Dans l’espérance chrétienne cette blancheur est même le vêtement à venir de tous les hommes.
L’étole est le signe du sacerdoce, du ministère sacré. On a longtemps pensé qu’elle avait besoin de dorures pour être à la hauteur. La génération de Jean-Yves a éprouvé qu’elle avait surtout besoin, cette étole, de porter la vie des gens. L’étole nous est nécessaire car elle soutient notre louange. Quand le prêtre revêt l’étole, on semble mieux comprendre que Dieu vient auprès de nous, nous entend et nous parle. C’est tout l’art de la liturgie pour lequel notre frère Jean-Yves avait beaucoup de sensibilité.
La lumière. Nous rappelons ainsi que chaque être humain est appelé à être lumière pour ses frères ; bien des témoignages nous sont parvenus depuis quelques jours pour nous dire combien  notre frère Jean-Yves savait rendre la Lumière du Christ que lui donnait sa foi. Cette lumière, à dire vrai, est aussi le monde nouveau dans lequel il entre désormais. On en parle peu, on en parle sans doute mal, mais comment dire l’indicible ? En fidélité à Jésus, peut-on imaginer un Royaume de Dieu qui ne soit pas lumière ?

On aurait pu aussi poser la règle de vie de l’Assomption.
Chaque génération de religieux fait face à ce défi inouï de mettre en pratique la Règle de vie de l’Assomption sur laquelle il promet à Dieu d’engager sa vie. Règle/ de vie /de l’Assomption. 3 mots. Jean-Yves fait partie de la génération du milieu. Je m’explique.
On peut insister sur la Règle. Être religieux c’est respecter une règle, la règle. On pourrait dire que ce monde-là est révolu ; c’est celui du juridisme ecclésiastique, celui où la lettre compte plus que l’esprit. Ce monde est passé, certes, mais il n’est pas mort et, par certains égards, il peut encore revenir. Restons vigilants.
A l’autre extrême de la formule, on pourrait être pris par l’envie d’afficher notre AssomptionNISME ! Pris par le tourbillon de la communication et de la valse des identités que nous connaissons aujourd’hui depuis l’apparition des Réseaux sociaux et l’invasion de notre quotidien par les écrans,  nous voudrions à tout prix donner l’image ou des images à l’Assomption. L’Assomption avant tout, l’Assomption for ever !!! ça peut marcher, mais ça ne sonne pas juste, voire cela sonne faux, surtout quand on met en face tant de vies de religieux assomptionnistes, comme celle de Jean-Yves.
Jean Yves était avant tout un talentueux procureur chargé de défendre la centralité de la vie. Qu’aurait-il dit en cette occasion ? « Règle ? Ma foi, si ça ne gêne personne. Assomptionniste ? eh oui, évidemment, sans compter que cela ne m’a jamais rien empêché. Mais ma règle Assomptionniste primordiale c’est la Vie ! ». Cette vie est à aimer ; elle est à partager. Nous avons mille raisons, y compris dans notre vie religieuse, d’être repris par l’égoïsme, l’individualisme, la fausse pudeur qui s’habille en respect de la tranquillité d’autrui quand elle n’est en définitive que volonté de faire les choses à notre manière, pour nous ! Puissions-nous avoir des frères et des amis, dans ces moment-là, qui nous rappelle à l’ordre pour que nous rechoisissions la Vie.

J’évoque depuis tout à l’heure ce que l’on a posé et ce que l’on aurait pu poser sur le cercueil de Jean-Yves pour honorer sa mémoire. Comment ne pas me dire, avec vous, qu’en définitive, on aurait dû poser l’Evangile.
Jean-Yves a prêché l’amour de Dieu, l’amour de Dieu pour nous, l’amour de nous pour Dieu. Si on compare cette formule à un dolmen de Carnac, terre de son enfance, qui s’explore par ces deux extrémités, Jean Yves est d’avantage passé par l’amour de Dieu pour l’homme, indéfectible amour. Le Christ, bon berger, nous donne accès à Dieu son Père pour lequel nulle crainte, nulle peur n’est possible. Nulle crainte, nulle peur, mais pas nulle épreuve ou nulle difficulté.
La rapidité de la mort de notre frère Jean-Yves n’est pas  un contre témoignage à l’amour de Dieu ; elle est la raison même de l’amour de Dieu et le leit-motiv de la prédication de notre frère : Dieu nous aime au point que nous ne franchirons pas la barrière de la mort sans la lumière de l’amour. C’est ce qu’a vécu Jésus dans sa Résurrection.
Le calme, la sérénité et même la joie fraternelle des derniers jours nous disent une chose supplémentaire: avec le Christ, rien n’est vain, rien n’est inutile, rien n’est du temps perdu.
Ainsi, Jean-Yves nous entraine, en nous tirant par le bras, au bord du Mystère, là où on ne sait plus s’il fait froid ou s’il fait chaud, s’il fait ténèbres ou s’il fait lumière, s’il fait clameur ou s’il fait silence. Les mots hésitent un peu ce matin, sans doute pour faire sourire la mémoire de Jean-Yves, lequel ne répugnait pas à du lyrisme et de l’épique dans ces homélies.

Notre frère Jean-Yves, par son ministère a cherché inlassablement un langage nouveau pour dire la Bonne Nouvelle. Il l’a cherché en homme de lettres diplômé, grand lecteur devant l’Eternel.
Ce langage nouveau se cherche à-tâtons ; en réalité, il n’est jamais vraiment possédé, ce qui n’empêche aucunement de parler. C’est la langue de Dieu pour nous aujourd’hui, la Parole qui vient nous retrouver et prendre soin de nous, en ravivant notre espérance, en mobilisant notre amour. C’est le langage de la foi, dont le manuel de grammaire est d’une certaine manière les actes du Concile Vatican II. Une grammaire simple qui n’interdit rien sauf d’asséner et de clore le bec.
C’est le langage de la rencontre ; c’est le langage de l’interrogation qui fait avancer, de la question qui ébranle les lourdes habitudes sous lesquelles risquent de crouler tout effort pour bâtir l’Eglise et le Royaume.
En définitive, ce langage nouveau est celui qui est parlé dans l’au-delà. Un au-delà  qui n’est pas un ailleurs, mais un au-delà des apparences et des préjugés ; il est le langage de l’entre nous comme dirait Maurice Bellet, quand entre nous se joue ce qu’il y a de plus profond, de plus beau, de plus vrai en nous. Reconnaissons humblement qu’à défaut d’être avec Jean-Yves dans le Royaume, nous n’avons guère que la prière pour  partager et pratiquer ce langage.

Prions. Père du ciel, en ce jour de mémoire et d’action de grâce, renouvelle en

nous la grâce d’être des hommes de foi et de ce temps. Fais-nous connaitre l’expérience heureuse des fils de la lumière et l’amour de l’Eglise qui ont transformé saint Augustin, Emmanuel d’Alzon et une multitude de frères avant nous.
Seigneur Jésus, veille sur notre communautaire, que nous vivions unanimes, « une seule âme et un seul cœur  tournés vers Dieu », dans la franchise, la cordialité et la simplicité.
Donne-nous de faire preuve d’initiatives, d’audace et de désintéressement au service de notre Congrégation et de tout homme, fidèles à Ton Esprit d’Unité, de Vérité et de Charité.
Bénie sois-tu Trinité Sainte.
Amen.



*  Liturgie de la Parole


Lettre aux Romains - Rm 14,7-9
07 Frères, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même :
08 si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur.
09 Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc - Lc 12, 35-38.40
Jésus disait à ses disciples.
35  Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées.
36 Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.
37 Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.
38 S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !
40 Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Laudate Deum. Exhortation apostolique du pape François. Dans @LaCroix

Buisson ardent, chemin vers Pâques