Mes chroniques du Jubilé de Rome. Journal La Croix / juillet-août 2025

Voici les chroniques du Jubilé de Rome

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 Chronique 1 : jubilé, pour une foi qui bouge

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Rome ville éternelle est aussi une ville universelle, où les catholiques du monde entier se sentent un peu chez eux. Rencontrée dans le bus, une famille de Rennes est à Rome, trois jours, pour faire du tourisme, ignorant jusqu’à l’existence du Jubilé des jeunes ! L’agitation romaine l’inquiéterait presque. Rien de cela dans le regard des jeunes de Marseille, qui au même endroit, semblent à leur place. « Nous allons passer la porte sainte ; c’est notre jubilé », explique Gabriel, étudiant du groupe phocéen, casquette jaune sur la tête.

En cet été 2025, il faut imaginer une atmosphère de JMJ pour comprendre ce qui se vit dans les rues autour du Vatican. La référence s’invite d’elle-même dans la bouche d’un autre Gabriel, de Bordeaux, alternant géomètre, qui a envie d’être « boosté dans (sa) foi comme à Lisbonne », tandis que Maëlys, trop jeune pour participer aux JMJ voulait absolument vivre cette année « un moment fort ». Mais un jubilé à Rome emporte davantage de significations, confesse-t-on aux QG des Français. Il s’agit de faire unité autour du pape et de ce qu’il représente.

Les jeunes pèlerins arrivent de partout et parlent toutes les langues. Ce Jubilé est un moment pour prendre la mesure de leur communion dans la foi et de leur appartenance à une même humanité. Le monde recevra-t-il ce signe, au milieu de toutes les tribulations qui l’agitent ? Trop tôt pour le dire pense Blanche, qui a longtemps vécu à Hong Kong avant de se poser à Bordeaux.

Servane, tout juste libérée de son concours d’internat en médecine, en attente de son affectation éprouve une certaine « fierté d’être l’avenir de l’Église », alors que, « dans le monde, c’est vrai, la religion fait problème ». Pour cette néophyte, baptisée à Pâques dans le diocèse d’Avignon, ce qui compte c’est l’unité. Louise, de Bordeaux, en passe de devenir danseuse professionnelle le dit comme elle le sent : « Ici la vie explose en énergie ; on peut aller voir les gens facilement ; on veut se parler ». 

Plus loin, Augustine, étudiante à Lyon en bijouterie, dit un peu la même chose : son drapeau tricolore français n’est pas « patriotique » ; il est là « pour nous aider à rencontrer d’autres qui parlent français, d’où qu’ils soient, France, Canada, Afrique », histoire de faire groupe dans une universalité sans borne. Ce dont ne se privent pas, à leur manière, les hôtes italiens dont un groupe semble avoir pris comme signe de ralliement joyeux plus que religieux, le tube mondial « Sara perche ti amo ».

Ainsi, comme le note avec justesse Maëlys, sous l’oeil du père Jean Michel, aumonier étudiant à Bordeaux, « il n’y a pas d’entre soi, ici. Trop de nationalités différentes et de visions de la foi. Ici, c’est universel ». Muriel, interne à l’hôpital de Périgueux, venue avec le groupe de Marseille, profite du moment. Dans le bus qui l’emmène vers le Vatican, elle reconnaît que sa foi en a besoin.

« C’est cadeau, un jubilé », disent pour finir les deux amies d’Avignon. « Rencontrer le pape l’année de son baptême ; c’est fou ; c’est… le destin » , lance alors Servane... corrigée par Agathe, dans un sourire : « C’est une grâce ».


Chronique 2: la paix et non la guerre


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Le pape est un partisan de la paix. C’est un grand classique depuis plus d’un siècle. Mais Léon XIV martèle ce thème de la paix, son premier mot prononcé sur le balcon au jour de son élection. Dans ce que son prédécesseur, François, appelait la « troisième guerre mondiale par morceaux », Léon XIV propose la voie du combat intérieur pour la paix, maison par maison, c’est-à-dire un cœur après l’autre.

Mercredi 30 juillet au matin, lors de l’audience générale, il a redit la primauté de la diplomatie sur toute entreprise de guerre. La veille, il avait appelé les jeunes à être des faiseurs de paix. Le père Jean-Michel, aumônier sur le campus étudiant Saint François d’Assise à Bordeaux en a retenu son appel à être des « porteurs de l’espérance dans le monde, des porteurs de paix. »

À la surface du globe, deux figures de jeunesse se font face, celle visible ici, confiante et pleine de vie, et celle d’ailleurs, envoyée sur les champs de bataille, présente dans bien des têtes pour ne pas dire dans toutes les prières, et jusqu’aux épaules de certains pèlerins sous la forme de drapeaux ukrainiens ou palestiniens.

Camille, 18 ans, étudiante en sciences politiques à Reims veut se persuader que « le bien finira par triompher dans notre monde. » Elle ne veut pas en rester au simple souhait ; elle désire croire que « cette espérance unit non seulement les peuples en guerre (pour résister au mal, NDLR) mais aussi l’humanité dans sa globalité de par cette confiance qu’un monde meilleur est possible et que la paix viendra. »

Mais avant la paix, la perspective de la guerre est bien réelle, que Louise, 19 ans, n’élude pas : « Je trouve que ça fait un peu peur, ça devient de plus en plus concret… On croit toujours que la guerre n’arrivera jamais chez nous mais le monde devient de plus en plus incertain. » Elle reconnaît avec lucidité : « Pour l’instant je crois que je suis dans le déni mais je ne sais pas comment je réagirais si je me retrouvais à devoir combattre ».

Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège prenant la parole devant près de 2 000 jeunes professionnels rassemblés au lycée français de Rome, mercredi 30 juillet en fin d’après-midi, et répondant à leurs questions, n’a pas caché la réalité d’un monde en tension. « Le problème n’est pas dans le conflit lui-même, car il y a toujours eu des conflits dans l’humanité, mais dans les moyens qui sont choisis pour y répondre ».

Rappelant l’importance du dialogue, le cardinal italien a dévoilé sa propre manière de faire et son critère de discernement : ancrer l’action dans la prière et en vérifier la pureté d’intention dont la finalité ne peut être que l’amour. « Facile », claironne, un peu bravache, Corentin, membre de l’équipe nationale des Jeunes pros, organisatrice de la rencontre. Comme pour mieux s’en convaincre.


Chronique 3 : authentique chrétien 


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Malgré des conditions matérielles parfois précaires, le pari des organisateurs du Jubilé romain est clair. Qu’il ne soit pas une parenthèse heureuse dans la vie des jeunes, confie un évêque, mais qu’il puisse la transformer, suivant l’exhortation du pape. « Chrétiens de convenance, d’habitude ou de confort » versus « authentiques chrétiens », Léon XIV, en effet, n’a pas mâché ses mots en interpellant les catéchumènes et les néophytes mardi 29 juillet. Et finalement : qu’est-ce que ça change que d’être chrétien ? Les jeunes professionnels présents croisés à Rome sont nombreux à prendre la question très au sérieux.

Alors, que faire ? S’engager dans l’Église ou dans le monde ? Corentin de l’équipe nationale des jeunes professionnels parle de « tension entre la grandeur du désir de Dieu et la banalité du quotidien ». À l’entendre ; il y aurait un mur de séparation invisible à abattre.

Au sortir de la vie étudiante, Étienne, commercial dans les métiers de l’informatique en région parisienne estime que c’est « la vie à durée illimitée qui s’installe ». Il n’est pas facile de « construire sa vie de foi quand sa vocation n’est pas encore définie ». Il attend des différents groupes de sa tranche d’âge une aide pour trouver sa place dans l’Église et ne pas construire sa vie sans elle.

Telle n’est pas l’analyse de Juliette, orthophoniste à la Maison de l’autisme d’Angers. « Pour moi, l’important c’est d’être avec et de demeurer. Ce verbe demeurer m’a sauté aux yeux quand je l’ai lu dans l’Évangile. J’ai compris qu’il faut que je sois dans le monde, avec mon cœur et mon regard de croyante. » Elle sent bien la différence avec sa vie d’avant. « Quand j’étais étudiante, j’ai eu besoin de groupes fervents dans l’Église ; maintenant que je suis jeune professionnelle, il me faut aller vers le monde. Je crois que les portes sont grandes ouvertes ; le monde a soif et on n’y va pas assez. »

Un constat que ne dément pas Eugénie, formatrice, basée à Lyon, proche des dominicains : « Je passe 90 % de mon temps dans le monde ; l’exigence de la sainteté, je dois la vivre dans la vie professionnelle ; tous les matins, je prie pour mes collègues » Si « s’engager dans le monde est une expression un peu datée, un peu ringarde », elle se rend compte qu’elle ne peut pas « laisser les autres sur le bord de la route, sans leur venir en aide physiquement et spirituellement pour qu’ils vivent mieux ».

Alors, Église ou monde ? « Les deux », répond Timothée, séminariste de Meaux, auteur d’une biographie de Pier Giorgio Frassati, saint italien donné en exemples aux jeunes du Jubilé. Dans la chaleur de l’été, Fratoune, le leader des Guetteurs, groupe de reggae chrétien, esquisse une méthode en conclusion de leur concert : « Soyons partout dans la joie, une joie profonde qui soit le signe que nous sommes à notre place. »


Chronique 4 : écologie 




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Jubilé des jeunes : l’écologie, un nouveau défi spirituel

Une logistique hors norme a été mise en place, à Rome, pour accueillir les centaines de milliers de jeunes du jubilé. Dans les rues de la capitale italienne, très peu de déchets sont visibles. L’Église semble réellement s’être mise au tri et au recyclage. Julie et Benoit, tous les deux professeurs de mathématiques dans l’enseignement catholique du diocèse d’Arras portent ce souci.

Mais, en ce vendredi 1er août où le thème proposé aux pèlerins est la réconciliation, ils s’ouvrent à l’autocritique. « Quand on parle d’écologie, on sait que la situation est grave, mais je ne me dis jamais que c’est important maintenant ! », concède Benoît, qui reconnaît qu’il ne fait, en quelque sorte, que des concessions minimes pour ajuster son art de vivre à ce qu’il faudrait.

Il lui faudrait « un plus » pour franchir le cap et changer vraiment. Julie estime que la détérioration écologique du monde se fait à un rythme supérieur à sa propre capacité de changement. « Cela va trop vite pour nous », lâche-t-elle.

Lors de la célébration pénitentielle qui avait ouvert la deuxième session du Synode pour l’avenir de l’Église, en octobre 2024, à Rome, les cardinaux avaient demandé pardon pour ce qui était présenté comme un péché contre la Création. Le pape François souhaitait que cette question fasse partie de l’examen de conscience préalable à la célébration du sacrement. Les jeunes du jubilé ne semblent pas s’en confesser, même si, le secret de confession étant bien gardé, il est évidemment difficile de quantifier. « Cela n’est pas une catégorie de la vie spirituelle » confie une responsable en catéchèse d’adultes.

Andres Gonzales, professeur d’espagnol qui accompagne des jeunes de Nîmes, avoue ne s’être « jamais confessé d’un péché d’écologie ». Il s’interroge sur le moyen d’en conscientiser la jeune génération : « Chacun participe au péché collectif contre la Création. La confession ouvre une dynamique de réparation. Il y aurait peut-être quelque chose à faire comme lors du jubilé de l’an 2000 quand l’Église a demandé pardon pour ses péchés dans l’histoire. Il faudrait instituer une démarche similaire pour notre non-respect de la Création. En tout cas, l’écologie n’est pas assez un sujet de pastorale ; on pourrait au moins faire comme pour l’unité des chrétiens », indique-t-il en pensant au travail œcuménique vécu avec les protestants des Cévennes, exigeant au début et devenu naturel maintenant.

La préoccupation écologique est donc, à la fois présente pour commander des gestes simples d’une vie commune plus verte et située sur un horizon d’espérance, où la Création doit être sauvée. Mais la question de ceux qui en ont la charge reste floue. Dans une conférence sur la miséricorde et l’amour de Dieu auprès d’un large public international, des jeunes venus des États-Unis, du Mexique, de Belgique, du Royaume-Uni, de France et bien sûr des Philippines, le cardinal Luis Antonio Tagle, philippin lui-même, rappelle : « Nous avons des péchés mais ce n’est pas la fin de l’Histoire. L’amour ouvre les portes de l’espérance pour devenir une meilleure personne. Miséricorde et espérance vont ensemble ».


Chronique 5 : optimistes, un peu plus



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Sous le soleil romain qui tarde à baisser pour laisser place à la veillée finale du Jubilé, ce samedi 2 août, les jeunes ne semblent pas douter de leur foi. Ils la chantent, la dansent et la partagent. Mais de cette bulle d’une semaine qui leur fait oublier le reste, naîtra-t-il une plus grande confiance dans l’avenir ? Ce pape qui se tient debout avec le sourire, deux caractéristiques que les jeunes retiennent unanimement, a-t-il changé la donne ?

Une partie du groupe de la paroisse chaldéenne de Sarcelles, si proche du drame des chrétiens d’Orient, donne le la. Elsa, par exemple, se sent moins menacée par la géopolitique au Proche-Orient que par le « modernisme » dont elle « veut être protégée », défiant ainsi la société occidentale. En qui avoir confiance alors ? « Dans le pape. J’ai confiance en lui parce que j’ai confiance en l’Esprit Saint », clame-t-elle. Pourquoi ? « C’est la Providence qui l’a choisi », appuie Manuella sa camarade. Plus loin, Pierre ingénieur informatique à Montpellier, ne dit pas autre chose. Il lui fait confiance « parce qu’il n’est pas là par hasard ».

Certes ! Mais Auguste admet qu’il a « eu du mal avec le pape François, surtout quand il parlait de manière informelle, en répondant aux questions dans l’avion par exemple ». Cet étudiant en école d’ingénieur à Lyon avait plus confiance dans ses textes. En seconde place au classement de la confiance, si on écarte la famille plébiscitée sauf exception, on trouve les amis.

Pour Théotime, de Montpellier, l’amitié avec « ses frères de communauté » comme il appelle ses amis qui partagent avec lui l’expérience du chemin néocatéchuménal est solide, grâce à la foi. Arborant tous un voyant T-shirt orange, ce groupe de plus de 80 personnes se doute-t-il que le pape Léon XIV en qui, eux aussi, « ils croient », reprendra saint Augustin dans quelques heures pour leur dire : « Aucune amitié n’est fidèle si ce n’est en Christ. Et ce n’est qu’en lui qu’elle peut être heureuse et éternelle ».

Et l’Église ? Un prêtre du Chemin-Neuf reconnaît qu’elle ne vient pas spontanément à l’idée des jeunes. Lucas, de Toulon, cite d’abord Carlo Acutis dont il a lu un livre, avant celui qu’il appelle son père spirituel, qui est diacre sur sa paroisse, capable de l’aider à savoir ce qu’il doit « faire avec une fille par exemple » comme de lui dire « comment ça se passe au ciel ». L’accompagnateur spirituel, « c’est le ChatGPT de la religion » dit un autre, qui en a aussi un, suscitant l’hilarité de ses copains.

Marguerite, du même groupe, enfonce le clou : « on a eu une période de manque de confiance, à cause des scandales. Mais je trouve que la courbe s’inverse, comme le montre le nombre des nouveaux baptisés. L’Église est en train de devenir quelque chose qui nous ressemble et qui s’adresse à nous ».

Alors, après une semaine, où ils n’ont « pas moins utilisé le téléphone », les jeunes du Jubilé ont rehaussé leur niveau d’optimisme. À bien l’écouter, cette jeunesse rassemblée semble avoir vécu, en une semaine, un bain de jouvence. Dans toutes les bouches, il y a Dieu et les amis, les deux piliers sur qui « on peut compter » pour la suite.



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