Laudate Deum. Exhortation apostolique du pape François. Dans @LaCroix

 

« Laudate Deum », lire l’exhortation apostolique sur le climat de François

La Croix publie dans sa quasi intégralité l’exhortation apostolique Laudate Deum (« Louez Dieu ») sur l’urgence climatique partagée par François mercredi 4 octobre, à l’approche de la COP28.

L'essentiel du texte du pape

 

2 tribunes publiées dans La Croix

Tribune/ Écologie : « État, consommateur, entreprises... Chacun voudrait que les autres bougent avant eux »

Tribune de Maxime Pawlak Président de la commission conversion écologique des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens. Maxime Pawlak, des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC), sensible aux appels du pape pour un engagement écologique, plaide en faveur d’une approche intégrale des entrepreneurs associant foi, éthique de la Création et action économique./

Alors que le pape François, dans son exhortation apostolique Laudate Deum, nous rappelle l’urgence d’agir pour sauvegarder notre maison commune, une majorité de chrétiens continuent à avoir des difficultés à passer à l’action et à faire le lien entre leur spiritualité et l’écologie.

Pour preuve : selon la récente étude Ifop menée par l’association Parlons climat et publiée dans La Croix, seulement 23 % des chrétiens pratiquants affirment que leurs réflexions écologiques et spirituelles se nourrissent l’une et l’autre. Résultat : ils ne sont pas significativement plus sensibles à l’écologie que les non-croyants, et plus de la moitié d’entre eux ne savent pas comment agir.

Les chrétiens ne sont pas très bons

Bref, sur le sujet de l’écologie, les chrétiens ne sont pas très bons. À quelques semaines de la COP28, et malgré l’évidence de ce lien entre foi et écologie, largement éclairé par nos leaders spirituels ces dernières années, le message semble ne pas passer.

Pour beaucoup de chrétiens aujourd’hui, on parle trop d’écologie et pas assez de social. Pourtant, si la défense des plus pauvres et des plus fragiles est une évidence évangélique admise par tous, alors la protection de notre maison commune devrait l’être également. Car prendre soin de la terre c’est aussi prendre soin de mon prochain. Et parce que, comme le rappelait déjà le pape François dans Laudato si’, les plus pauvres sont les premières victimes de la crise environnementale.

Le pape François rappelle les motivations spirituelles dans Laudate Deum : « Je ne veux pas manquer de rappeler aux fidèles catholiques les motivations qui naissent de leur foi. » En écho à Laudato si’ où il développait le lien entre foi et écologie à plusieurs reprises : « Tout est lié, et nous, êtres humains, sommes unis comme des frères et des sœurs sur un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre. »

Une mesure sur le long terme

Une problématique demeure : si réaliser la transition écologique, c’est prendre soin des plus fragiles, ce lien de cause à effet se mesure sur le long terme. Car l’inertie du vivant induit un décalage entre le moment de nos actions et la mesure de ses effets. Pourquoi me contraindre aujourd’hui pour le bien des hommes qui vivront sur Terre quand moi je serai mort ? Avec la perspective de la foi, cette question devrait pourtant résonner différemment.

Il est vrai que, à plus court terme, le coût de cette transformation, si elle n’est pas pensée dans un souci de justice sociale, peut avoir des impacts négatifs sur les plus vulnérables. On a vu les conséquences de la tentative de taxation sur les carburants à l’origine du mouvement des gilets jaunes. Alors puisque cette transformation a un coût immédiat, comment trouver une marge de manœuvre pour conjuguer la justice sociale à court terme et l’impératif écologique et social à long terme ?

Le « triangle de l’inaction »

On pense souvent que tout doit venir de l’État. C’est vrai qu’il y a des leviers d’action équitables qui doivent venir du législateur. Et dans ce cadre, le bonus-malus sur les voitures passe mieux que la taxation globale du carburant. Mais en réalité, pour qu’elle soit plus juste et moins difficile, la transformation doit aussi venir des consommateurs et des entreprises : tous en même temps.

À ce sujet du passage à l’action écologique, chacun se renvoie la balle. L’État, le consommateur ou les entreprises : chacun voudrait que les autres bougent avant eux. Cette attente de l’autre, c’est le « triangle de l’inaction », conceptualisé par Pierre Peyretou. Nous sommes tous en chute libre, nous voyons le sol s’approcher, et ce qui nous intéresse c’est de savoir qui va s’écraser en premier…

En réalité, les consommateurs peuvent choisir d’aller vers plus de sobriété, sans pour autant être moins heureux. On sait depuis longtemps que, passé un certain niveau de nécessité, le bonheur ne dépend pas de notre niveau de consommation. Rien ne justifie qu’en France les 10% les plus riches émettent 31 tonnes de CO2 par an, là où les 10 % les plus pauvres émettent seulement 3,8 tonnes.

Et quand on choisit la sobriété, c’est tout à fait possible de bien vivre en émettant 4 tonnes, j’en connais plein autour de moi. Le vœu de pauvreté de nos prêtres et l’humilité exemplaire de Jésus devraient, là encore, aider les chrétiens à appréhender et à traduire en faits cette évidence.

La responsabilité des entreprises

Troisième pilier et changement, et non des moindres, les entreprises portent aussi une responsabilité décisive dans la transition. Les dirigeants chrétiens se trouvent plus que jamais à la croisée des chemins pour être des moteurs de changement et d’espérance au sein du monde économique.

C’est pour cette raison que j’ai cofondé Eloi (1), et c’est aussi pour cette raison que j’ai accepté de prendre la présidence de la nouvelle commission « Conversion écologique » chez les Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC), avec la vocation d’amener un maximum de nos 3 500 membres, portés par la conversion de leur cœur, à transitionner vers des modèles d’affaires respectueux de la terre et des hommes.

Les EDC ont toujours été au premier rang pour associer prospérité économique et responsabilité sociale. À travers cette nouvelle commission, nous souhaitons mettre en œuvre cette vision intégrale, associant foi, éthique de la Création et action économique. C’est plus facile de bouger tous ensemble que de bouger tout seul, alors profitons de notre communauté pour nous soutenir mutuellement !

Questionnons-nous sur notre foi. Est-elle consistante, si elle ne nous conduit pas à incarner le message d’amour porté par les Évangiles ? L’amour pour nos frères et sœurs, qui nous appelle à laisser une planète vivable pour les générations futures. Si nous n’incarnons pas cet amour, n’est-ce pas le symptôme de notre déconnexion de la création et donc du Créateur ?

Prenons le temps de contempler, prenons le temps de prier, pour nous reconnecter à l’essentiel de notre foi, qui peut nous mettre en mouvement. Face à l’ampleur des défis de notre temps, n’oublions pas que ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu.

(1) Cofondateur d’Eloi, qui accompagne les agriculteurs dans leurs projets de transmission et d’installation en agroécologie.

 

 

Tribune/ « Dans “Laudate Deum”, François nomme le cœur du combat spirituel de notre époque »

Tribune/ Xavier de Bénazé sj Délégué Laudato si' - Écologie pour la province d'Europe occidentale francophone des jésuite. Xavier de Bénazé traduit l’exhortation du pape Laudate Deum, publiée le mercredi 4 octobre, en huit incitations à l’action. Le pape François, loin d’être un « collapsologue en mal de vivre », encourage les chrétiens à se renseigner sur la crise climatique et à s’engager pour défendre le vivant.

Agis ! Car il n’est plus temps d’hésiter, d’invoquer certaines incertitudes (Laudate Deum n. 5) ou de tendre l’oreille aux climatosceptiques qui ne cherchent qu’à protéger le statu quo sous prétexte de pseudo-arguments scientifiques (LD n. 6-7). Et ne te crois pas indemne de ces tentations, le pape lui-même se désole de les entendre dans le monde et dans l’Église (LD n. 14).

Agis ! Car « le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture » (LD n. 2). Ce n’est pas un collapsologue en mal de vivre qui te le dit, c’est le pape qui s’alarme. Depuis la parution de Laudato si’en 2015, la dégradation de notre maison commune s’est encore accélérée, dépassant les prévisions des scientifiques les moins optimistes.

 Agis ! Si cela t’est nécessaire, prends le temps de te renseigner sur les faits scientifiques, de comprendre les phénomènes, de plonger en profondeur dans une approche systémique. Ton intelligence et notre intelligence collective sont un don de Dieu. Valorisons-la pour lui rendre gloire. Pour t’introduire dans cet effort, le pape se fait pédagogue (LD n. 11-19), écoute-le.

La vieille hubris humaine

Agis ! Ne te perds pas dans une fuite à toujours plus de données ou dans le tourbillon d’angoisse que les statistiques climatiques peuvent provoquer. Va plus loin. La crise écologique et sociale touche à des ressorts humains, personnels et collectifs plus profonds. Laudate Deum nomme le cœur du combat spirituel de notre époque : « Paradigme technocratique » (LD n. 20-33). Regarde en toi, observe autour de toi, analyse les situations sous le regard de Dieu. Grisé par la technique, se voyant tel un surhomme grâce à un pouvoir dopé aux énergies fossiles, l’humain s’autorise à disposer du monde comme il l’entend, comme si tout était à sa disposition.

La vieille hubris humaine trouve dans ce mirage un nouvel exutoire, se berçant d’illusions, croyant s’être affranchie des limites humaines, biologiques et matérielles. Mais les sages grecs et de tant de peuples le savaient depuis longtemps : cette voie mène à la mort. Il y a les limites physiques et biologiques, c’est certain. « Une croissance infinie dans un monde fini n’a pas de sens », comme on l’entend souvent. Mais le pape t’invite à agir en écoutant plus loin, plus profond : « Le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession : accroître au-delà de l’imaginable le pouvoir de l’homme, face auquel la réalité non humaine est une simple ressource à son service» (LD n. 22).

La question du pape

Agis ! Sous le regard du Créateur qui te donne vie, à toi, à nous et à toute créature, et de son Fils qui te dit sa miséricorde, ayant osé nommer le mal et le combat à mener, engage-toi ! Laisse résonner en toi l’appel à la Vie en plénitude que Dieu veut pour tous ses enfants. Le pape te propose une question : « Quel est le sens de ma vie, quel est le sens de mon passage sur cette terre, quel est le sens, en définitive, de mon travail et de mes efforts ? » (LD n. 33). Prends le temps de laisser résonner cette question dans ton dialogue avec Dieu par la prière et par ta vie. Le discernement est action. Invente avec ton Dieu l’avenir qu’Il te donne. Puis choisis avec Lui et avance !

Agis ! La Création tout entière attend que tu t’engages, que nous changions vraiment, à hauteur des enjeux (LD n. 68). Engage-toi personnellement, à ton propre niveau, dans ta vie ordinaire. Ce ne sera pas suffisant (LD n. 69), mais c’est indispensable pour provoquer le changement culturel nécessaire (LD n. 70).

À la racine des structures de péché

Agis ! En comprenant que le bien commun nécessite d’aller à la racine des structures de péché de notre époque et pour cela que des décisions fortes soient prises par nos représentants politiques. Or ces politiques sont faibles (LD n. 34-43), susceptibles de céder au chantage des pouvoirs économiques (LD n. 31), à la recherche d’intérêts nationaux court-termistes (LD n. 52) ou aux mirages d’une technique qui résoudrait tout problème sans effort (LD n. 57). Mais ce constat sévère et attristé ne doit pas nous désespérer. Ce serait « un acte suicidaire qui conduirait à exposer toute l’humanité, en particulier les plus pauvres, aux pires impacts du changement climatique » (LD n. 53). À l’inverse.

Un nouveau multilatéralisme « d’en bas » émerge aujourd’hui dans notre monde, et la faiblesse des politiques peut être vue comme une invitation à agir ensemble pour contrôler ce pouvoir si puissant en théorie et si impuissant dans les faits à agir pour le soin de la maison commune (LD n. 38). À toi et à nous d’inventer ces nouvelles formes de citoyenneté locale, nationale et mondiale qui exercent une « saine pression » politique, y compris avec une certaine forme de radicalité si nécessaire face au vide actuel (LD n. 58).

Agis donc ! Personnellement, collectivement, politiquement. N’aie pas peur de l’activisme. Il est un danger, mais si ton action et notre action collective sont l’expression visible de notre vie spirituelle ancrée dans l’Esprit du Fils du Créateur, Jésus le Crucifié-Ressuscité, alors nous ne craignons rien. Il est le Sauveur et Il est avec nous « tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).

 


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