Ainsi Soient-ils, saison 2, une série qui fera parler d'elle, et pas seulement d'elle.
La saison 2 de Ainsi
soient-ils teindra-t-elle les promesses de la première ?
Le succès d’estime exprimé à travers la récompense de
Sérimania, festival professionnel des séries télévisuelles, est de bonne
augure. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps.
Pour ma part, j’ai eu la chance, qui fut aussi une joie, de
rencontrer l’équipe et d’entrer en sympathie avec Rodolphe Tissot le
réalisateur, Bruno Nahon le producteur et un certain nombre de personnes du
staff dont quelques acteurs.
Il me parait impossible que la qualité humaine de ces
personnes, leur désir de bien faire, leur façon de se mettre au service d’une
fiction, à la fois objet de culture et
de divertissement, ne trouvent pas un écho positif, sans doute chaleureux dans
le cœur du public. Nulle part sur le tournage comme en coulisse on ne peut surprendre
quiconque drapé dans le costume frelaté d’un chevalier masqué au service d’une
propagande pro ou anti cléricale.
Pour le catholique
que je suis, suivre cette série donne la joie si rare de voir et d’entendre à
la télévision comment la bible, la
Parole de Dieu, travaille le cœur des hommes et des femmes et
les appelle, les suscite, les dévoile et bien sûr les purifie.
Des chapeaux tomberont donc mais des dents grinceront, et
voilà pourquoi.
1/ APPROFONDISSEMENT. La saison 2, forte de 8 épisodes nous
fait approfondir l’humanité des personnages et à travers eux des institutions
ou des figures qu’ils représentent. Il s’agit donc d’humanité, dans un contexte
très largement chrétien, mais pas seulement. L’esthétique de l’image et du son
donne l’impression d’avoir encore progressé par rapport à la saison 1, de sorte
que la saison 2 fait honneur à qui la regarde.
2/ FICTION. Ainsi soient-ils est une fiction,
non un reportage ou un documentaire. Le scénario ne colle pas à la réalité au
sens où les choses ne se passent jamais comme cela. On peut citer à l’évidence
ce qui apparait à l’écran comme « le système vatican », ou bien le
fonctionnement de la CEF
(Conférence des Evêques de France), son financement, le pouvoir de son
président. Tout cela, c’est du roman. Mais, justement, la distance à la réalité
permet de mieux appréhender cette dernière. C’est cela le génie de la bonne
fiction. Prenons un exemple qui court sur tous les épisodes : la question
sexuelle. Elle n’occupe pas tout l’écran, elle ne représente pas l’intrigue
principale, mais elle est toujours présente. Il en est ainsi dans la vie réelle
des séminaristes et des prêtres, où la sexualité a bien sûr une place mais
jamais la première (sauf exception pathologique) et elle ne s’exprime pas
en ces termes-là. La série rappelle quand même ce qu’on aurait pu oublier à
savoir que les séminaristes et les prêtres sont des êtres sexués.
Au-delà de ce simple élément (sur lequel il ne faut pas
focaliser), c’est plus largement la question du sens de la vie qui est posée où
à défaut celle du sens de se poser la question du sens ! Alors, certes,
les situations sont fictives, mais la réalité frappe vite à la porte, au moins
d’une manière métaphorique ou allégorique.
3/ CRITIQUE. Cette fiction, comme toute fiction, est une
instance critique de la réalité. La critique, ici, vise la société, la
difficulté du vivre ensemble, de l’accueil des situations marginales ou de
détresse (femmes enceintes isolées, repris de justice…) et bien évidemment
l’Eglise. Certains, en son sein, ne manqueront pas de s’étouffer à la vue de
certaines scènes ou à l’écoute de certains dialogues. Moi-même, je me suis surpris à me sentir gêné
sur ma chaise ! Pourtant, je pense que cette critique est nécessaire, et
même salutaire. Car manifestement, l’équipe de Ainsi soient-ils n’a
aucune visée déstabilisatrice ou nuisible vis-à-vis de l’Eglise, de ses prêtres
ou ses évêques. Elle nous renvoie l’image que nous, l’Eglise, donnons de
nous-mêmes, image à laquelle se mêlent les éléments fantasmés, faute d’être
connus ou compris, tant est encore flou le message et finalement l’identité de
l’Eglise dans bien des esprits.
4/ AMOUR. Ainsi soient-ils parle d’amour,
voilà l’évidence, un amour sous bien des modalités. L’amour absolu recherché
coute que coute, l’amour expérimenté dans des vies humaines forcément marquées
par la finitude, l’amour barbouillé par certaines de nos turpitudes, et enfin
l’amour rejeté, ou refusé par ceux et celles qu’il fait trop souffrir, soit par
sa présence soit par son manque. On pourrait dire que l’amour est toujours-là,
précédant toute événement ou incident mais c’est un amour inéluctablement en
crise ; c’est là le moteur principal de la série. Mais, il ya plus :
quasiment à chaque fois que l’amour est évoqué, l’écrin de la discussion ou de
la situation recèle aussi la question de l’identité de Dieu et celle du pardon,
deux questions qui pour le chrétien n’en font qu’une, celle de la Miséricorde divine.
Dans un regard croyant sur le scénario, on comprend bien que Dieu se révèle
aujourd’hui encore comme au temps biblique et que cette Révélation emprunte les
voies de la manifestation de l’Amour dans l’histoire des hommes.
5/ REGRETS. Par moment, toutefois, l’intrigue utilise les ressorts
de la manipulation, réussissant ainsi parfaitement à tenir le téléspectateur en
haleine. Il est certes difficile de proposer une autre manière de faire. Mais
il n’est pas interdit de dire que ce procédé use le regard et finit par faire
douter des personnages. Jean de la
Fontaine dit des animaux malades de la peste : « ils
ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés ». Ce fut un peu mon
vertige : mais qui allait résister à la tentation de manipuler ? qui
allait tenir ? Même l’attachant José ou le désarmant Yan sont pris dans
les affres de cette question et gouttent l’amertume du mal moral. Pour
respirer, je conseille alors aux téléspectateur de bien se rappeler que la vie
réelle nous offre d’ordinaire le temps de souffler entre deux épreuves ; le
scénario d’une série ne peut se le permettre !!!
6/ HOMMAGES. Sur deux points particuliers au moins, Ainsi
soient-ils prouve sa qualité.
- L’homosexualité et l’islam sont deux sujets importants du débat public aujourd’hui, débat qui anime aussi les Eglises. Aucune stigmatisation, aucun raccourci facile ou entendu dans leur traitement, nonobstant deux scènes liés à Guillaume, séminariste homosexuel, dont la première de l’épisode 3, particulièrement dures à regarder et qui pourraient faire perdre des spectateurs, jusque là bienveillants.
- Tout montre que les auteurs de la série ont parfaitement compris qu’il existe un jeu de miroir entre l’Eglise catholique, non pas seulement l’institution mais la communauté croyante, et les séminaires, ces endroits où les prêtres sont formés. Car, en effet, y compris en 2014, les séminaires ne sont pas de simples institutions fonctionnelles de formation ; ils ont un lien direct avec l’expression de « l’âme de l’Eglise » si cette formule a un sens.
Arte projette de rediffuser toute la saison 1 en septembre
et la saison 2 en octobre 2014.
Je ne sais pas si j’aurais le loisir de tenir cette
fidélité, mais je souhaite à chacun de pouvoir prendre ce temps de détente qui
ne manquera pas de nourrir sa réflexion et de chatouiller ses questions les
plus intérieures.
Arnaud, aa
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