Un beau livre à lire

Anne Liu
Carnet d’à Dieu, mon amour.
DDB, aout 2014

La tendresse amoureuse, la mort de l’être aimé, la fragilité humaine… Si présentes dans nos vies, même des plus tapageuses, qu’avons-nous besoin de nous assoir un moment pour les regarder, tenter de les comprendre ? Elles parviennent déjà si facilement à nous percer le cœur, pourquoi prendre un livre qui les aborde ? Pourquoi devrais-je prendre le risque de transformer mon temps de lecture en acrobatie entre des précipices? Anne Liu, enseignante à l’ESDES, école de commerce de la catho de Lyon, se livre entre les lignes sur une petite centaine de pages ; je les ai entre mes mains ; elle me propose de venir voir chez elle comment ça s’est passé, dans la grande simplicité d’une mère de famille qui sait- ou plus justement, qui a découvert- ce qu’est l’essentiel. Vais-je me laisser tenter ? Vais-je lui confier mon temps toujours précieux et compté pour qu’elle le fasse aller à son rythme ? Vais-je lui confier ma sensibilité qu’elle pourrait égratigner ou bien plisser par des émotions qu’elle ferait naitre en moi et qui m’emporteraient? L’histoire de son mari, heureux père de ses enfants, médecin acupuncteur reconnu, celle de sa lutte auprès d’elle, contre son cancer, dont le titre du livre ainsi que les statistiques nous indiquent tout de suite l’issue, cette histoire est-elle bonne pour moi ? Ne devrais-je pas la leur laisser et reposer l’ouvrage ?
Histoire sans espoir ai-je failli écrire. Sans un certain type d’espoir certes, mais pas sans enjeu ! Page après page, Anne Liu nous fait suivre la ligne invisible qu’a tracé Michel-mon-amour, pour accomplir sa vie jusqu’au bout. On comprend alors que le rescapé des troubles politiques chinois de l’après guerre, qui aurait pu avoir déjà rejoint depuis longtemps la patrie de ses ancêtres, n’a pas l’intention de perdre une goutte de la vie qui bat en lui. Même si cette vie ne fait plus que palpiter faiblement au point que tout devient combat, jusqu’à la plus simple bouchée.
Face à la vérité de la maladie, la force de l’amour semble impuissante. Et à l’inverse, face à l’inéluctable de l’affaiblissement, la mort elle-même apparait comme un démon de pacotille qui sera balayé dès l’ouverture du chemin « juste après ».
Avec l’agilité d’un poète, Anne Liu choisit d’évoquer des situations simples et concrètes dans lesquelles la profondeur de ce qui est vécu indique à notre regard le point de fuite. Les larmes de mes amis lecteurs ont bien pu couler, ce fut sans rancune m’a-t-on dit ! L’émotion est bien là, mais elle n’est pas oppressante. Seul point qui serre le cœur, l’absence de démonstration par Michel, époux et père, de l’amour en retour qu’il témoigne aux siens. Retenue toute asiatique ? Il y a peut-être un peu de cela. Doute que l’auteure aurait voulu laisser affleurer pour monter que jusqu’au bout, la vie d’un couple est faite d’amour à conquérir ? Le livre ne soutient pas un tel scénario de Série B ! Pour ma part, je préfère y voir cette délicatesse des personnes fondamentalement humbles qui veulent partir sur la pointe des pieds pour ne pas compliquer davantage la vie de ceux qui restent, qui choisissent de ne pas déverser un torrent de « pathos » que les leurs mettront des années à écoper et qui semblent minimiser leur fin afin de minimiser la peine des êtres qu’ils ont tant aimés.

Ce Carnet d’à Dieu serait un livre-école s’il n’était pas avant tout l’expression d’une femme amoureuse qui nous livre une expérience incandescente de l’éternel amour. Bref, tout sauf du temps gaspillé.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Prédication lors de la célébation des obsèques de notre frère Jean-Yves

Laudate Deum. Exhortation apostolique du pape François. Dans @LaCroix

Message du pape aux entrepreneurs de France / lundi 28 août 2023