Prédication du 11 janvier 2015 au matin

Prédication pour la fête du Baptême du Seigneur. Le 11 janvier 2015, au matin.
 

Chers amis, je n’ai pas la télé, mais j’ai tout vu à la radio comme on dit ! Je vous avoue que la tonalité joyeuse de cet évangile ne va pas bien avec les sentiments qui m’habitent ces jours-ci. Je me suis même demandé si je devais encore prêcher : j’avais comme la nausée de voir que l’homme pouvait parler de Dieu, l’invoquer et juste après abattre de sang froid un homme à terre.
Mais nous taire, ce serait pire encore, surtout si nous avons à dire des paroles de vérité et d’espérance, ce qui est le cas aujourd’hui. Je vais donc parler dans un instant sur les textes de ce jour et repérer en eux les raisons de notre optimisme, de notre énergie, de notre volonté de construire un monde meilleur.
Mais je crois que nous nous devons d’abord à cette solidarité avec les victimes, avec les proches des victimes qui sont dans la douleur et avec nos concitoyens qui sont dans l’effroi.

Je n’ai pas fait le décompte exact ; mais en quelques jours on nous a annoncé une vingtaine de morts : 4 agents de sécurité, 10 journalistes, des personnes qui passaient par là et bien sûr les trois terroristes. La mort de chacune de ces personnes nous interroge, à des degrés divers.
La mort des policiers et des gens qui passaient là nous renvoie à la fragilité de notre vie : quand nous quittons notre maison le matin, nous ne savons pas si nous la retrouverons le soir. C’est ainsi depuis les origines du monde. C’est pourquoi il n’est pas vain de se rappeler sans cesse, que Dieu est notre seule demeure, que dans sa demeure habitent ceux que nous aimons et que rien ne nous séparera jamais de l’amour comme l’affirme Saint Paul.

La mort des terroristes nous dérange. Colère d’abord de voir que la justice ne sera pas faite mais soulagement sans doute ensuite : au moins, ils ne nuiront plus ! Mais parce que nous sommes chrétiens, baptisés en Christ, parce que nous sommes convaincus que la rédemption du Christ rend possible toute conversion, même des pires criminels, ce qui nous blesse aussi c’est la vie de ces trois jeunes, une vie d’adultes passés d’endoctrinement en stage pour apprendre à tuer, puis du stage à l’éclair du passage à l’acte et enfin aux balles fatales de la police. Le tout vécu dans la haine ! Quel incroyable gâchis, quelle implacable noirceur. Nous venons de lire Isaïe dans la première lecture : Que le méchant abandonne son chemin. On en est si loin !
Soyons lucides et croyants à la fois : dans leur berceau, ils ont reçu le même premier amour que Dieu offre à tout homme. Les derniers mois de leur vie montrent à l’évidence que la liberté de l’homme peut balayer cet amour de Dieu, peut réduire à rien l’œuvre du Christ. Appelons un chat en chat : cela fait mal de voir qu’un homme peut mettre en échec l’amour de Dieu et que par là, il en coute la vie à plusieurs personnes autour de lui.
Nous sommes donc invités à prendre au sérieux le commandement de l’amour : aimer Dieu  et aimer son prochain. Il n’y a pas de foi en Dieu sans amour. Et le sang qui est répandu comme le dit la première lettre de Saint Jean que nous venons d’entendre, c’est le sang du témoin et non de la victime. C’est un sang mêlé à l’eau du baptême, le sang versé dans l’Esprit Saint, un sang qui est un signe de Salut, parce qu’il est le symbole de la vie et non la signature d’un carnage ! En un mot, oui, nous devons aimer jusqu’au sang, mais le nôtre pas celui du voisin !

Enfin, la mort des journalistes nous arrache le cœur. Là encore, permettez-moi d’être tout à fait franc : je ne lisais pas Charlie Hebdo ; je n’ai jamais aimé ce canard. Je trouvais son propos trop souvent grossier et ces critiques sur l’Eglise et le pape faciles et blessantes, sans aucun respect pour ce que nous essayons de vivre. Mais je dois reconnaitre aujourd’hui qu’ils sont morts parce qu’ils étaient l’image de la liberté d’expression, cette liberté qui nous est si chère et qui me permet, à moi Arnaud, ici même, de parler et de vous dire ce que je vous dis. Car, ils ont été choisis comme cible parce qu’ils refusaient absolument de se plier devant les fanatiques qui voulaient les faire taire. Ils sont morts à cause de la liberté de conscience dans notre pays, cette liberté qui est un de nos biens communs les plus précieux.
Nous ne pouvons que souhaiter que leur mort tragique renforce dans notre nation l’attachement à cette liberté de sorte que pour longtemps encore, nous vivrons libres dans une France démocratique. Car soyons clairs, la liberté d’expression c’est la démocratie !
Voilà pourquoi, nous chrétiens, nous devions absolument nous associer au deuil national et voilà pourquoi le moment où le glas de Notre Dame de Paris a sonné jeudi à midi en signe de deuil a été un moment de grande dignité. L’Eglise s’est montré au service du peuple de France en deuil, solidaire « des hommes de ce temps » comme je le disais en commençant.

A ce devoir de solidarité avec ceux qui souffrent, devoir aussi de vérité par rapport à l’épreuve qui est la nôtre, nous devons sans doute ajouter une autre exigence : sortir de l’ornière et Redonner espoir au monde.
Donner l’espoir au monde est le thème des prédications jusqu’au temps de carême. Il était un bon thème a priori. Il est encore plus nécessaire aujourd’hui. Nous en parlerons donc souvent. Mais notre outil ne sera pas que la parole. Nous voulons donner espoir au monde avec comme le dit le Cardinal Barbarin « la plus grande force que nous avons au cœur : la tendresse ».

Or c’est bien de tendresse que parle l’Evangile d’aujourd’hui : Celui-ci est mon Fils bien aimé, en lui j’ai mis toute ma joie. Au jour du baptême de Jésus, le ciel s’ouvre et une voix s’élève, mais c’est le cœur de Dieu qui s’ouvre : Lui est mon fils bien aimé ! C’est la parole de l’alliance éternelle que Dieu conclut avec Jésus et à travers Jésus avec toutes les générations. Dieu avait dit dans le livre d’Isaïe -la première lecture : « Ecoutez et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle ». Cette alliance, elle est là sous nos yeux dans l’Evangile par le baptême d’Esprit.
C’est même, j’en suis persuadé, la parole imperceptible de Pâques : quand Jésus a été mis au tombeau et est descendu aux enfers, le Père a de nouveau fait entendre sa voix : Lui est mon fils bien aimé ! Jésus s’est alors dressé et est sorti debout, vainqueur de la mort, comme il est ressorti debout du Jourdain après le baptême de Jean. Dire cela aujourd’hui peut redonner espoir au monde.
C’est exactement l’exemple qu’il nous appelle à suivre. Le chemin qu’il veut que nous prenions. Oui, devenons des enfants bien-aimés de Dieu, des êtres aimés et aimants, des personnes qui disent oui à l’amour.

Laissons Dieu nous redire en nous même cette parole : « tu es mon fils bien-aimé ». Et nous lui répondrons.
Seigneur, toute la force de mon cœur, toute ma tendresse t’appartient pour que je rayonne d’amour dans le monde d’aujourd’hui qui en a tant besoin.

 Arnaud Alibert, aa
Eglise Lyon-Centre Sainte Blandine. Aumônier de la Catho de Lyon

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Prédication lors de la célébation des obsèques de notre frère Jean-Yves

Laudate Deum. Exhortation apostolique du pape François. Dans @LaCroix

Message du pape aux entrepreneurs de France / lundi 28 août 2023