Mariage d'Alexia et Jean-Christophe

Textes choisis: Prologues de la 1ère lettre de Jean et de l'évangile de Jean.


Prédication.
C’est donc là votre secret Alexia et Jean-Christophe ; vous nous auriez donc fait venir dans notre chère église Sainte Blandine pour nous faire entendre ces textes de Lumière et de vie, qui parlent de Dieu comme on parlerait indifféremment d’une source et d’un horizon... Si je prends vos mots, les mots que vous avez écrits l’un pour l’autre, il s’agirait rien de moins que de « saisir les profondeurs de ce monde et d’en aimer les hommes ».
Alors résonne en  nous les mots de ces lectures choisies par vous : Au commencement, la Lumière, la Vie, la Parole. Et voilà ce qui pourrait être votre devise en définitive : le centre et le principe de la Lumière ne sont pas de jaillir mais de faire voir, le centre et le principe de la Vie ne sont pas d’être mais de faire être, le centre et le principe de la Parole, du Verbe comme dit le texte ne sont pas d’être écrits ou prononcés mais de faire grandir.
En sommes, vous voulez nous partager tranquillement que la vie, sans méconnaitre les ténèbres, est Lumière ; que la Parole elle-même est lumière et que tous ceux qui accueillent et la Parole, et la lumière et la Vie « deviennent enfants de Dieu », comme dit Saint Jean. Comment cela se fait-il ?
Hélas pour toi, Jean Christophe, ce n’est pas scientifique ! Il n’y a pas de processus avec une cause et un effet ; c’est un commencement sans début, c’est une ronde d’esprits purs qui meurent et naissent tour à tour.
Janvier 2016, pour toi Jean Christophe, tu ne sais pas ce qui commence, mais tu sens bien que quelque chose se termine. Dans ton esprit, Alexia, les choses sont encore moins claires, si cela est possible. Alexia, tu n’es pas habituée, comme Jean-Christophe aux démonstrations et au moment triomphal où on écrit CQFD. Vous êtes si différents. Seriez-vous complémentaires ? Il faudra du temps pour vous apprendre l’un l’autre, comme on apprend un langage nouveau.  Quand la science rencontre la littérature, c’est le choc de l’éclair Puissance et du rayon Beauté ; quand les deux se mettent ensemble, ils deviennent comme un point d’intersection du nombre et de la forme.
Dans votre couple, il y a donc un côté amusant, audacieux, peut-être même inquiétant. Songeons un instant si on se retrouvait sur les bans de l’école avec Mme Tisserand en français et M.Tisserand en Physique-Chimie ! Mieux encore vivre en Russie entre Poutine et Medvedev !
Non. Ce qui domine avant tout, c’est la promesse, une promesse scellée le 4 juillet 1982, ce jour unique, ce même jour où sans vous connaitre vous avez été baptisés ensemble, seulement séparés de quelques centaines de  kilomètres.
Comme beaucoup ici, j’ai de l’affection pour vous deux ; j’ai même de l’admiration. Vous me demandez de présenter à Dieu votre chemin, de le porter avec vous, mais que puis-je dire ? J’ai l’impression qu’une unique flamme vous brûle. Cette flamme qui vous brûle n’est pas celle du soldat inconnu tombé au champ de bataille du célibat, ni celle de la torchère du couloir de la chimie. Ce sont vos âmes qui brûlent. C’est vous qui brûlez et déjà aussi le Deus caritas, et il ne m’est pas possible de distinguer les trois. L’échange de vos consentements dans quelques minutes devant l’autel sera le creuset de cet alliage. On parle alors d’alliance, de rencontre de la vie avec l’éternité.
Je ne vais donc pas prononcer l’éloge funèbre de vos deux célibats, même si on pourrait bien en trouver parmi vos invités qui éprouvent un franc soulagement de vous voir casés ! Evidemment, je ne vais pas non plus essayer de vous apprendre à vous aimer. L’autre jour, il y a eu une conférence d’un laïc qui s’adressant aux prêtres du diocèse de Lyon leur parlait du sacerdoce !! Cela en a titillé quelques-uns... Il leur a dit : « Et bien quoi, cela fait des années que vous nous parlez d’amour conjugal sans rien y comprendre !!! »
Que me reste-t-il alors ?  Peut-être tout simplement écoutez votre tremblement, qui est votre demande : qu’allons-nous faire de tout cela ? pourquoi et en vue de quoi Dieu nous unit-il ?
 Vous avez choisi des textes parmi les plus intenses de la Bible, comme pour apaiser votre soif de comprendre sans doute. Vous en rirez dans quelques années quand vous penserez à ce coup que vous nous faites. Je ne peux pas jouer au curé qui refourgue sa camelote en se disant : Chic, un mariage, je vais pouvoir caser mon discours sur Dieu pour pas cher ! Que faire ? Ces textes,  ils sont ardus pour moi aussi. Mais peut-être, qu’ils nous donnent délicatement quelques éléments pour une démarche spirituelle de couple en quelques pistes sur lesquelles Dieu pourrait bien s’avancer vers vous au cours de votre vie. J’en vois 3 peut-être, comme les 3 parties d’une dissertation à la française !
D’abord le dialogue. Vous le pratiquez, vous en connaissez l’importance, vous savez qu’il est l’arme la plus efficace au monde, une arme pacifique. Avez-vous remarqué que ce mot s’est glissé dans les textes que vous avez-choisis ? Sans doute à votre insu. Je vois tout de suite la panique de Jean-Christophe qui voudrait bien me faire confiance mais ne peut me donner raison car on aurait beau parcourir 100 fois les textes de cette messe, le mot dialogue n’y est pas lisible. Ni lisible, ni visible, mais il y est. Comme tout ce qui est essentiel.
Vous avez pris les deux prologues de Jean, le prologue de sa première lettre et celui de son évangile. Dieu par sa Parole, par son Verbe est à la base de tout. Mais une parole non pas d’autorité qui nous tombe dessus comme une enclume. Un dialogue. Un simple dialogue.
Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le verbe était Dieu ;
il était au commencement auprès de Dieu et c’est par lui que tout est venu à l’existence et rien de ce qui s’est fait de n’est fait sans lui.
 Je relis cette phrase comme on regarde pour la nième fois la splendeur d’un tableau de Bottichelli : «  c’est par lui que tout est venu à l’existence ». Par lui ! Permettez-moi de lever le voile que pose sur ces mots la traduction française ; si nous lisions le grec, nous lirions c’est par lui, c’est par le logos, en grec, c’est dia-logos que tout est venu à l’existence. Le Mystère trouve toujours une petite fenêtre pour venir jusqu’à nous !
Premier point donc, dia-logos. Deuxième point : le don. Le vrai don. Ne faites pas de l’autre un débiteur, quelqu’un qui vous doit quelque chose, fut-ce de l’amour. Ne faites pas comme les rentiers qui attendent le versement de la traite et des intérêts. Oserai-je me laisser aller à dire : n’attendez rien de l’autre ? Oui, je le dis, en tremblant mais je le dis : n’ayez rien d’autre au cœur que l’espérance que votre amour donné soit un amour reçu, accueilli et ainsi capable de transformer la vie en vie nouvelle. Soyez don, soyez absolument don ! Je ne dis pas soyez aliénés ; je ne parle pas de servitude ou de gaspillage, de ces vies qui sont vidées d’elles-mêmes. Je parle du don, de ce qui sort de nous sans calcul ni attente, dont le départ ne laisse aucune trace, dont le manque ne laisse aucun vide car il est immédiatement renouvelé. De cette affaire-là, on ne se lasse jamais et on n’a pas trop d’une vie suivie d’une éternité pour en goûter les fruits.
Enfin, troisième point, vous me voyez venir, car cela fait partie du vocabulaire courant ici à Sainte Blandine : prenez soin ; prenez soin de l’autre et prenez soin de votre couple. J’ai appris tout récemment qu’après la grande peste de Lyon, il n’y avait plus que 800 habitants à Lyon ! Dans nos sociétés avec une hygiène minimale, la peste ne nous menace plus ! Le rapport ? Il y a une peste qui rôde dans la vie des couples, qui les fait se fissurer, se déchirer et bien trop souvent se rompre. L’hygiène minimale anti-peste, la voici : se dire le matin en se levant qu’on va prendre soin de l’autre et se demander le soir si c’est bien cela qu’on a fait. Voilà les deux actes minimes mais cruciaux, des armes anti-peste.
Que votre prière pour l’autre soit douce et espérante ; qu’elle se réjouisse de l’intimité de Dieu dans sa vie ; que vos pensées et vos actions conduisent à la paix de l’autre. Vous vous dites croyants, et vous l’êtes ; n’oubliez pas qu’il n’y a pas de foi en Dieu sans amour du prochain, et votre premier prochain c’est l’autre. Aidez-le, fortifiez-le, soyez son appui pour son élévation ; que cette parole de Jean-Baptiste soit la vôtre, lui le plus grand des enfants des hommes qui dit à propos du Christ : qu’il croisse et que je diminue. Eh bien, prenez soin de la croissance de l’autre. Mais que ce soin soit léger, imperceptible, invisible comme les lignes des yeux qui passent sur les lignes d’un livre et qui, en le lisant, le font exister.
Paraphrasant Victor Hugo, je dirais que le couple « c'est un livre, et des yeux qui le lisent. »
Un livre où il y a tout, où vous retrouverez ce que vous êtes et ce que vous voulez être et la lumière des commencements qui vous le permettra. Là sont la vie et l’amour, en clair et en cachette, ou bien avec les mots du même Hugo :

Masques d'ombre ou de feu, faces des visions,
Globes, humanités, terres, créations,
Univers où jamais on ne voit rien qui dorme,
Points d'intersection du nombre et de la forme,
Chocs de l'éclair puissance et du rayon beauté,
Rencontres de la vie avec l'éternité,
Ô fumée, écoutez ! Et vous, écoutez, âmes,
Qui seules resterez étant souffles et flammes,
Esprits purs qui mourez et naissez tour à tour :
Dieu n'a qu'un front : Lumière ! et n'a qu'un nom : Amour ! -

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