Départ de Simon. Homélie pour la messe de la veille du départ de la communauté de Debrousse


Homélie le lundi 18 juin, veille du départ de la communauté de Debrousse
En ce temps-là, Naboth, de la ville de Yizréel, possédait une vigne à côté du palais d’Acab, roi de Samarie. Acab dit un jour à Naboth : « Cède-moi ta vigne ; elle me servira de jardin potager, car elle est juste à côté de ma maison ; je te donnerai en échange une vigne meilleure, ou, si tu préfères, je te donnerai l’argent qu’elle vaut. » Naboth répondit à Acab : « Que le Seigneur me préserve de te céder l’héritage de mes pères ! » Acab retourna chez lui sombre et irrité, parce que Naboth lui avait dit : « Je ne te céderai pas l’héritage de mes pères. » Il se coucha sur son lit, tourna son visage vers le mur, et refusa de manger. Sa femme Jézabel vint lui dire : « Pourquoi es-tu de mauvaise humeur ? Pourquoi ne veux-tu pas manger ? » Il répondit : « J’ai parlé à Naboth de Yizréel. Je lui ai dit : “Cède-moi ta vigne pour de l’argent, ou, si tu préfères, pour une autre vigne en échange.” Mais il a répondu : “Je ne te céderai pas ma vigne !” » Alors sa femme Jézabel lui dit : « Est-ce que tu es le roi d’Israël, oui ou non ? Lève-toi, mange, et retrouve ta bonne humeur : moi, je vais te donner la vigne de Naboth. » Elle écrivit des lettres au nom d’Acab, elle les scella du sceau royal, et elle les adressa aux anciens et aux notables de la ville où habitait Naboth. Elle avait écrit dans ces lettres : « Proclamez un jeûne, faites comparaître Naboth devant le peuple. Placez en face de lui deux vauriens, qui témoigneront contre lui : “Tu as maudit Dieu et le roi !” Ensuite, faites-le sortir de la ville, lapidez-le, et qu’il meure ! » Les anciens et les notables qui habitaient la ville de Naboth firent ce que Jézabel avait ordonné dans ses lettres. Ils proclamèrent un jeûne et firent comparaître Naboth devant le peuple. Alors arrivèrent les deux individus qui se placèrent en face de lui et portèrent contre lui ce témoignage : « Naboth a maudit Dieu et le roi. » On fit sortir Naboth de la ville, on le lapida, et il mourut. Puis on envoya dire à Jézabel : « Naboth a été lapidé et il est mort. » Lorsque Jézabel en fut informée, elle dit à Acab : « Va, prends possession de la vigne de ce Naboth qui a refusé de la céder pour de l’argent, car il n’y a plus de Naboth : il est mort. » Quand Acab apprit que Naboth était mort, il se rendit à la vigne de Naboth et en prit possession.

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! Moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! » – Acclamons la Parole de Dieu.

Prédication
Mon cher Simon,
Ce n’est pas souvent que dans la vie religieuse on peut se répandre en sentiment, en affection. A mon avis, on ne le fait pas assez. Alors, en cette messe d’action de grâce pour ta présence en France depuis 9 ans, tu me permettras d’être plein d’affection pour ne pas dire d’agapè.
Je le fais d’autant plus volontiers que je me sens autorisé par l’évangile de ce jour, évangile plein d’excès, qui me permet de dire au passage, de rappeler !, que Jésus était méridional et donc qu’il aimait bien l’excès.
Dans l’excès il n’y a pas toujours l’erreur. Il y a l’excès ! Mais la vérité elle-même se dit ou peut se dire à travers l’excès ; pas tous les excès, évidement. Tu l’entends avec nous ce soir, si on te demande 1000 tu donnes 2000 ; c’est un excès qu’on pourrait qualifier d’Alzonien.
Quand on lit la vie de d’Alzon on est dans cet excès en permanence, et nous, fils d’Emmanuel d’Alzon on est appelé à ça. Pas moins. On nous demande 1000, et bien on donne 2000, ça fait un peu brouillon, on est peut-être parfois dans le gaspillage, sans doute…

Mais cet excès d’amour fait front face à l’excès de violence de notre monde, qui sature l’horizon des médias et fait obstacle aux rêves de chacun.
Tu vois Simon, tu as lu la première lecture : elle est effrayante ; c’est la première lecture de tous les totalitarismes, de toutes les dictatures : Acab est roi et comme il est roi, il a tous les droits ; c’est le lamentable de l’histoire des peuples.
Et la conscience de l’homme se construit de génération en génération pour dire : « non il ne doit pas en être ainsi. Alors, chaque peuple avait son génie, trouve les équilibres pour qu’il n’en soit jamais comme le texte du Livre des Rois nous le dit, pour que le chef ne décide pas tout.
La leçon est donc simple : il y a nécessité d’un excès d’amour pour vaincre cet excès de violence, de médiocrité humaine.

Simon, tu retournes dans ton pays, le pays des matins calmes. Matins calmes peut-être, mais pays qui ne manque pas d’excès - peut être que je me trompe ? Si je me trompe, Simon tu auras la gentillesse de me corriger et si j’ai raison alors tu as une sacrée mission qui t’attend.

Tu as quitté un pays en état de guerre ; tu vas retourner dans un pays en état de construction de paix.
Si tu veux bien croire en l’expérience de la vielle Europe que j’incarne, avec mes 47 ans, la paix entraine le désordre. Quand il ya la guerre il y a l’ordre ; on est obligé d’obéir au chef sinon on la perd. Quand la paix est là, c’est le début de tous les « mai 1968 ».
Si vraiment la Corée entre en paix et on ne peut que la souhaiter, alors tu as devant toi 40 ans de vie d’un corps social qui va se réjouir de la paix et qui va commencer à faire n’importe quoi.
Et il te faudra, toi, à ce moment-là, être apôtre de la règle ; tu es religieux, tu as une règle de vie qui, je pense parler au nom de nous tous, est formidable ; la règle de vie de l’Assomption est généreuse, belle, ambitieuse, équilibrée.
Il faudra la rappeler, la transmettre, l’adapter pour les laïcs qui ont besoin de l’entendre.
Souhaitons la paix et prépare-toi à endosser presque paradoxalement cette mission d’apôtre de la règle

2ème trait caractéristique que je vois pour toi : tu vas arriver dans une Eglise en crise, tu l’as connue en croissance sure d’elle-même, peut-être trop sure d’elle-même et d’après ce que tu nous as dit, d’après nos échanges, tu vas arriver dans une Eglise assez ou trop, sans doute, cléricale, dans cette époque où le pape ne veut plus de ce cléricalisme. Signe de la crise de ce cléricalisme, les séminaires se vident, nous as-tu dit et c’est toujours un moment critique dans une communauté chrétienne.
L’Eglise de France a connu il y a 3 décennies la « chute » des séminaires ; elle sait bien que c’est bien un moment de choc.
Cléricalisme qui perdure, baisse du nombre des séminaristes donc à l’avenir durcissements, crispations, peurs en tout genre. Il te faut être fils de Claude Maréchal ! Tu dois être apôtre de Vatican II.
On ne finit jamais de le lire. Tu auras la joie de le relire en coréen plus simple qu’en latin.
Ah ! Si tu pouvais revenir de tes études ici en France avec cette conviction de fond qu’il faut toujours revenir au concile Vatican II ! Car il est notre concile ! Il a une force incroyable, enrichies depuis 50 ans de toutes ses adaptations évidement : le pape François, Jean-Paul II… Mais rien ne vaut le retour à Vatican II !
L’affection que tu as pour Claude t’aidera à ré-ouvrir les pages de ce texte.

Enfin, 3ème caractéristique !
Excuse moi peut être que je charge la mule, Simon, mais je le vois comme ça.
Tu arrives dans une Assomption en Asie en croissance. Croissance légère et résolue en Corée, pente forte, un peu chaotique au Viet Nam, pente… chantante aux Philippines.
En tout cas, une croissance numérique réelle qui va appeler l’ouverture aux autres. Les vietnamiens vont devoir s’ouvrir aux Philippins, les Philippins aux Vietnamiens… Les Coréens de notre congrégation, toute façon, sont habitués pour ne pas dire condamnés, à s’ouvrir.
Mais l’Assomption d’Asie va devoir s’ouvrir aussi à toute la Congrégation et je pense à l’Afrique.
Je t’ai vu vivre, Simon, en amitié avec les prêtres africains. On sait combien- ce n’est pas très politiquement correct de le dire- les blancs et les français spécialement ne sont pas les plus racistes au monde. Il y a aujourd’hui un racisme africain « antichinois » (chinois pris au sens large) et un racisme asiatique anti-africain. Il faut que tu sois apôtre de l’Afrique, il faut que dans toutes les rencontres, tu dises : « mais c’est super on a des choses à apprendre de l’Afrique ». Evidemment, les africains ont aussi à apprendre de l’Asie.
Si des gens comme toi ne portent pas l’Afrique en disant que c’est extraordinaire ce qui s’y vit, que l’évangile en Afrique y est authentique, qu’il y a tant des choses que nous avons à apprendre.
Tu le feras au nom de l’amitié que tu as pour Rémi Clovis, pour Renaud, pour tous ceux que tu as rencontrés.

Être à la fois apôtre de la règle, apôtre de Vatican II, et enfin sans doute le plus inouï pour ne pas dire le plus dur, apôtre de l’Afrique, voilà ce que je vois pour toi

Au nom de Claude, de Tuan, de ceux qui t’ont connu, je te fais complètement confiance, tu as une vraie vie de foi ; tu nous as montré plusieurs fois la clarté de ton esprit. Vas-y fonce !
Sois généreux comme l’était Emmanuel d’Alzon et surtout excessif dans l’amour.
Dieu te bénisse, Simon
Amen

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