Une nouvelle balafre dans l’unique tunique du Christ ?


Dossier monté par moi, à partir de docs récupéré sur www.la-croix.com

Lundi 15 octobre, l’Église orthodoxe russe a déclaré mettre fin à ses relations avec le Patriarcat de Constantinople, une rupture historique.


L’Église orthodoxe russe a annoncé lundi 15 octobre à Minsk rompre ses liens avec le Patriarcat de Constantinople après sa décision de reconnaître une Église orthodoxe indépendante en Ukraine.
« Nous ne pouvons plus célébrer d’office en commun, nos prêtres ne pourront plus participer aux liturgies avec des hiérarques du Patriarcat de Constantinople », a déclaré aux journalistes Mgr Hilarion, chargé de la diplomatie du Patriarcat de Moscou, à l’issue d’un synode de l’Église orthodoxe russe. « Nous ne pourrons garder le contact avec cette Église, qui est en situation de schisme », a-t-il ajouté.
Mgr Hilarion a précisé que cette rupture complète des « liens eucharistiques »signifiait également que les fidèles du Patriarcat de Moscou ne peuvent plus désormais communier dans des églises sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople.
L’Église orthodoxe russe met en garde contre des troubles en Ukraine
Le Patriarcat de Constantinople a décidé la semaine du 8 octobre de reconnaître une Église orthodoxe indépendante en Ukraine, mettant fin à 332 années de tutelle religieuse russe, ce qui pose la question de l’avenir de millions de croyants dans ce pays, où l’Église orthodoxe russe jouit encore d’une influence conséquente.

Le Patriarcat de Moscou, qui a dénoncé un « schisme » et une « catastrophe », a averti que des troubles pourraient se produire en Ukraine entre partisans des deux Églises rivales. Certains prêtres de paroisses loyales à Moscou ont même appelé leurs fidèles à se tenir prêts à se défendre contre d’éventuelles opérations de force destinées à s’emparer de leurs églises.
Après la visite en Ukraine en septembre de deux envoyés du Patriarcat de Constantinople, l’Église russe avait déjà décidé de rompre une partie de ses liens avec Constantinople.
La Croix (avec AFP)


Les trois courants de l’orthodoxie ukrainienne/ La Croix , le 


L’Église orthodoxe rassemble environ 70 % des 43 millions d’Ukrainiens (soit 30 millions de fidèles), mais se trouve divisée en trois instances :
– l’Église du Patriarcat de Moscou. Fidèle au patriarche Kirill, c’est la seule de ces trois Églises à être officiellement reconnue par l’orthodoxie mondiale. C’est aussi la plus importante par le nombre de paroisses (plus de 12 000).
– l’Église du Patriarcat de Kiev. Fondée après la chute de l’URSS en 1992, elle n’est pas canonique (elle n’est reconnue ni par Moscou ni par Constantinople) et comprend environ 5 000 paroisses. Les Ukrainiens sont de plus en plus nombreux à rejoindre cette Église : les fidèles de celle-ci représentaient 15 % de la population il y a dix ans, 40 % aujourd’hui.
– l’Église ukrainienne autocéphale. Elle est très minoritaire numériquement.
La révolution ukrainienne de 2014 a exacerbé les tensions entre ces communautés. Les prélats du Patriarcat de Moscou en Ukraine ont adopté des positions ambiguës, voire prorusses, sur le dossier de la Crimée par exemple.
L’orthodoxie compte 250 millions de fidèles dans le monde, dont 150 millions sont liés à Moscou. Cette confession compte 14 Églises autocéphales (dont les Patriarcats de Moscou, de Constantinople et de Jérusalem), une vingtaine d’Églises autonomes et une quarantaine d’Églises totalement indépendantes.



Trois questions sur la rupture diplomatique entre Moscou et Constantinople

 , le  
Mis à jour le 17/09/2018 à 19h10
Depuis la rencontre le 31 août entre le patriarche de Constantinople, Bartholomeos, et celui de Moscou, Kirill, sur la question de l’indépendance de l’Église orthodoxe d’Ukraine, les tensions entre les deux primats ne cessent de s’exacerber.
Vendredi 14 septembre, Moscou a déclaré rompre partiellement « ses liens diplomatiques » avec Constantinople. Une ultime menace avant ce qui pourrait être une rupture de communion historique.


ZOOM 
Le chef de la diplomatie de l’Église russe orthodoxe, Mgr Hilarion, a annoncé vendredi 14 septembre que Moscou rompait une partie de « ses liens diplomatiques » avec Constantinople. 

Quelles sont les raisons de la rupture entre le Patriarcat de Constantinople et celui de Moscou ?
Le motif du divorce est l’Ukraine. Parmi les Églises orthodoxes ukrainiennes, deux communautés sont majoritaires. L’une est rattachée au Patriarcat de Moscou, fidèle au patriarche Kirill. La deuxième, celle du Patriarcat de Kiev, a été fondée après la chute de l’URSS en 1992. Autoproclamée, elle n’est pas canonique, c’est-à-dire qu’elle n’est reconnue ni par Moscou, ni par Constantinople. Une troisième communauté, l’Église « autocéphale », est très minoritaire. La révolution ukrainienne de 2014 a exacerbé les tensions entre ces communautés. En avril, le président ukrainien Petro Porochenko et les deux Églises indépendantes de Moscou se sont tournés vers le patriarche de Constantinople Bartholomeos pour lui demander d’unifier sous son autorité l’ensemble des Églises du pays en une Église canonique et s’affranchir de la tutelle russe.

Pour négocier le cas ukrainien, Kirill et Bartholomeos se sont rencontrés le 31 août à Istanbul. Depuis, Moscou reproche à Constantinople son ingérence dans les affaires de son Église et l’accuse d’avoir envoyé des représentants en Ukraine sans l’en avoir informé. Pour l’instant, Bartholomeos n’a pas annoncé officiellement sa décision de reconnaître une Église ukrainienne unifiée.

De quelle rupture parle-t-on ?

Le pire scénario possible serait celui d’une rupture de communion. C’est-à-dire que les hiérarques orthodoxes des deux patriarcats ne pourraient plus célébrer la liturgie ensemble, qu’ils ne se reconnaîtraient pas légitimes et que les 14 églises orthodoxes du monde devraient prendre parti pour Moscou ou Constantinople.
Le chef de la diplomatie de l’Église russe orthodoxe, Mgr Hilarion, a annoncé vendredi 14 septembre que Moscou rompait une partie de « ses liens diplomatiques » avec Constantinople. Le saint-synode a ajouté dans un communiqué que le Patriarcat de Kirill ne participerait plus aux assemblées épiscopales, aux commissions et structures présidées par des représentants du Patriarcat œcuménique.
Par ailleurs, dans leur liturgie, les églises rattachées à Moscou ne prieront plus pour Bartholomeos. « Tous les critères d’une rupture de communion ont donc été livrés par le Patriarcat de Moscou sans qu’il la proclame véritablement. Dans l’escalade des menaces de ces dernières semaines, je pense qu’il s’agit là du tout dernier stade avant une rupture de communion », décrypte Jean-François Colosimo, théologien et spécialiste de l’orthodoxie.

Peut-on parler d’une crise historique ?

Une rupture de communion entre les deux patriarcats s’était déjà produite en 1999 en Estonie. Il y a vingt ans, à l’image de l’Ukraine, deux Églises orthodoxes se faisaient face dans ce pays balte. L’une, voulant se rapprocher de l’Occident, demandait à Constantinople son indépendance de la tutelle ecclésiastique russe, et l’autre était rattachée au Patriarcat de Moscou. Ce divorce a duré deux ans.
« La situation de l’Ukraine est bien différente du cas estonien. C’est une crise plus grave. Il faut rappeler que les orthodoxes ukrainiens rattachés à Moscou représentent la moitié du Patriarcat de Kirill. L’Ukraine a, de plus, une forte valeur symbolique pour l’Église russe, elle en est le berceau historique », souligne Jean-François Colosimo.
Constance Vilanova

La reconnaissance de l’Église orthodoxe ukrainienne, « une décision très politique »


 , le  
Mis à jour le 12/10/2018 à 20h19
Le Patriarcat œcuménique de Constantinople a ouvert la voie, jeudi 11 octobre, à la reconnaissance de l’indépendance de l’Église orthodoxe ukrainienne.
« Cette situation pourrait déboucher sur des violences spontanées ou manipulées, parasitant le processus ecclésial et amplifiant la discorde politique en Ukraine », explique l’historien Jean-François Colosimo, président de l’Institut Saint-Serge (1).

ZOOM 

La Croix : Quelles pourraient être les conséquences géopolitiques de cette décision ?
Jean-François Colosimo : Elles relèvent de plusieurs plans, qui s’articulent sans nécessairement se mélanger. Outre de lourdes conséquences ecclésiales, cette décision soulève plusieurs enjeux politiques. À la condition que les orthodoxes d’Ukraine favorables à cette autocéphalie parviennent à se rassembler de manière significative et sans divisions, l’État ukrainien va acter l’existence d’une Église nationale et vraisemblablement lui accorder un régime de faveurs en termes de lieux de culte, de fiscalité…
Il va ensuite demander aux fidèles restant de Moscou de choisir entre une affiliation à l’Église orthodoxe d’Ukraine – s’ils se disent orthodoxes –, ou à l’Église orthodoxe russe si, au fond, ces derniers ne se sentent pas ukrainiens. Dans ce cas, ils seront sommés de s’expliquer…
Cette situation va finalement représenter une victoire politique de la Maison-Blanche sur le Kremlin, puisque l’un des grands clivages opposant Washington à Moscou repose sur l’enjeu de savoir de quel côté doit basculer l’Ukraine. La grande inconnue reste de savoir si la situation va déboucher, dans les semaines à venir, sur des violences spontanées ou manipulées, vouées à la fois à parasiter le processus ecclésial et à amplifier la discorde politique.
Cette reconnaissance est-elle instrumentalisée dans le discours étatique ?
J-F.C : Je ne pense pas que l’instrumentalisation, par le président ukrainien Petro Porochenko, de cette décision ecclésiale lui soit finalement très favorable. C’est un personnage qui n’est pas forcément très bien jugé par tous les camps en présence, comme notamment les catholiques de rites latin ou byzantin, très présents dans l’ouest du pays.
Certes, cela contribuera à le présenter comme le « champion d’une indépendance totale ». Mais en dehors des franges les plus nationalistes, le problème majoritaire pour les fidèles n’est pas là : il est pour eux d’arriver à simplifier leur situation, alors qu’ils se sentent divisés entre une appartenance confessionnelle, une patriotique, une culturelle (qui bien sûr renvoie à Moscou)… Je ne suis pas certain en cela qu’ils se sentent plein de gratitude pour Petro Porochenko, dont ils voient aussi bien les manœuvres politiques !
D’autant que le président s’exprime régulièrement, de manière très violente, à l’encontre des fidèles qui veulent rester sous Moscou, en les diabolisant et en les excluant en quelque sorte de la communauté nationale. Jeudi 11 octobre, le Patriarche de Constantinople, Bartholomée 1er, a expressément demandé que sa déclaration ne soit pas utilisée à des fins violentes. Mais l’État ukrainien étant loin de l’État de droit tant souhaité par les Européens, celui-ci va très certainement tenter d’exploiter la situation pour persécuter, sous couvert de nouvelles mesures administratives et “légales”, les récalcitrants ou les dissidents.
Cette décision fait-elle payer au Patriarche Kirill sa proximité avec le Kremlin ?
J-F.C : Le Patriarche Kirill s’est, en quelque sorte, érigé en ministre des Affaires intérieures et extérieures religieuses de l’État russe. Il a passé une sorte de pacte avec le président, dans lequel il portait toutes ces perspectives de rayonnement à l’étranger proche, anciennement soviétique, ou plus lointain, en Europe ou aux États-Unis, en Afrique…
Mais cette récente affaire ukrainienne a finalement montré que le processus était contradictoire, parce que les intérêts de Kirill et de Vladimir Poutine à Kiev ne sont pas les mêmes. Le Patriarche de Moscou n’est légitimement pas en mesure de dire aux orthodoxes ukrainiens « nous sommes tous frères et sœurs de la même Église, je ne suis pas proche du Kremlin », parce qu’il a accompagné pendant trop longtemps la diplomatie de celui-ci. Son alliance se retourne contre lui.
Recueilli par Malo Tresca


À lire aussi


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Prédication lors de la célébation des obsèques de notre frère Jean-Yves

Laudate Deum. Exhortation apostolique du pape François. Dans @LaCroix