Valpré, terre de fraternité. Homélie du 14 décembre 2014

A la demande de certains membres de la communauté qui a célébré ce matin à Valpré, je mets en  ligne l'homélie, dans laquelle j'évoque le tournant historique de la présence des frères vécu en septembre 2014 et j'entrevois une manière de se poser face à ce changement. Vendredi 19 décembre, religieux et laïcs, nous aurons une soirée pour nous mettre sur les rails... de l'Esprit.


Homélie du 3ème dimanche de l’avent. 14/12/2014

 Lectures de la messe du jour
1ère lecture : « Je tressaille de joie dans le Seigneur » (Is 61, 1-2a.10-11)
Cantique : (Luc 1, 46b-48, 49-50, 53-54)
2ème lecture : « Que votre esprit, votre âme et votre corps soient gardés pour la venue du Seigneur » (1Th 5, 16-24)
Evangile : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jn 1, 6-8.19-28)
 

Les textes de notre dimanche aiguisent notre attention et la rendent plus sensible à la joie, la joie de la Bonne Nouvelle. Redisons-nous ceci : la foi chrétienne nait autour d’un berceau.

Or, quelle expérience faisons-nous autour d’un berceau ? La joie, ou plus précisément, à la manière de parler de Saint Augustin, une certaine joie, non pas exubérante et finalement culpabilisante pour celui qui n’y consonne pas, mais une joie pondérée par la conscience de la solennité de l’instant. Autour d’un nouveau né, nous sommes convoqués à la faiblesse, comme lui et à la responsabilité, envers lui. A bien y regarder, autour d’un berceau, c’est le seul endroit au monde où les hommes cessent de faire la guerre !

 Dans la première lecture, Isaïe a parlé de germe et de semences. Comme il a raison ! L’incarnation de Dieu n’est pas seulement la belle histoire d’un germe, le Germe Divin  qui aurait poussé en Marie.
L’incarnation est l’annonce, preuve à l’appui, que Dieu germe en chacun de nous, malgré tout ce qu’on peut imaginer ou même parfois aménager de stérilité intérieure ! L’incarnation nous reprend pour nous dire qu’aucune de nos faiblesses ne nous voue à la condamnation. Et parallèlement, aucune de nos cuirasses qu’elles s’appellent « bonnes raisons » ou « habitudes » ne peut contenir ce germe de communion qui pousse en nous et qui nous fait nous ouvrir à tous les hommes.

Le « groupe partage de Valpré » a exprimé le pourquoi de son action au début de la messe ; il m’a laissé redire maintenant sa raison fondamentale. Entres tous les humains, nous ne partageons pas seulement une même terre et donc une même table, où chacun a sa place et doit avoir son assiette. Entre tous les êtres humains, nous partageons ce point commun que chacun connait en lui une poussée divine.

Ce n’est donc pas le génome humain qui nous qualifie comme « êtres humains », mais ce mouvement de bas en haut, qui permet aussi un mouvement d’expansion de droite à gauche, cet appel de Dieu qui nous fait sortir de nous-mêmes, sortir justement des déterminismes de ce génome pour aller braver le risque de la rencontre et de l’altérité, avec cette double question spirituelle fondamentale : qu’est-ce que mon frère en humanité a fait de son germe ? Et qu’est-ce que ce germe  a fait de lui ?

Qu’en sera-t-il de moi alors ? De chacun de nous ?

En Jean-Baptiste, le germe a délié la parole. Face à tout le peuple d’Israël, face aux plus hautes autorités, il affirme clairement qu’il est temps de tourner la page de l’inconduite et de se préparer à accueillir la parfaite image de ce que nous sommes appelés à être.
« Une fois accueillie, il faudra s’y conformer » crie Jean-Baptiste !
Insupportable à entendre ; voilà pourquoi on le décapitera !

Saint Paul ne parle pas de germe ; il a cette formule étonnante : « n’éteignez pas l’Esprit ! » Eteindre l’Esprit, rester dans la nuit, étouffer le germe, mépriser la joie, fermer la porte aux autres ; toutes ces expressions sont synonymes.

Et nous alors ? Que ferons-nous ? Si nous laissons croître le germe de justice et de louange- n’oublions pas la louange ; nous tronquerions Isaïe !, si donc nous laissons l’Esprit allumé, que ferons-nous ?

Benoit Grière, le père général des Assomptionnistes, a écrit début septembre  une lettre aux religieux, pour nous appeler à la fraternité, nous en monter toutes les grâces, nous en rappeler les exigences. [Lettre sur la fraternité, 8 septembre 2014. « Il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis » Ps 132]
Et si cet appel nous interpellait tous ? Pourquoi ne rangerions-nous pas nos projets sous cette bannière de la fraternité ?

Ici à Valpré, le renouvellement de la communauté et son déplacement à l’extérieur du centre a modifié les équilibres anciens ; il ne nous aura pas fallu plus d’un trimestre pour nous en apercevoir ! Les religieux, nous sommes en première ligne de ce changement, mais nous ne sommes pas les seuls. Cela appelle l’ensemble des laïcs habitués à venir prier et à faire Eglise ici à des remises en cause et l’ouverture d’options nouvelles. Le centre lui-même est plus que jamais invité à regarder ses propres pratiques pour continuer, dans ces nouvelles circonstances, à tracer son chemin dans la fidélité à son histoire.

Comment les choses se feront ? Nul ne le sait aujourd’hui. Notre réunion de vendredi prochain, à laquelle nous sommes tous invités sera un moment important.
Regardons ce moment avec les yeux de la foi : la venue de Dieu en notre temps fait de ce temps un lieu où Dieu se dit, se fait connaitre, est à l’œuvre, bref, de nouveau s’incarne. Ainsi, il n’y a rien ici bas et maintenant que nous fassions avec foi qui ne soit pas ce que le père d’Alzon appelait une incarnation continuée.

Valpré est en travail d’enfantement, comme chacun de nous devons l’être. Tous nous devons enfanter le frère universel dont Dieu a déposé le germe en nous.

L’humanité du Christ, nous n’allons pas seulement la fêter dans quelques jours, à Noël, autour d’un berceau, comme je disais en commençant ; nous allons l’expérimenter, en ce qu’elle fait de nous des frères.
Religieux, laïcs, centre de Valpré, tous nous sommes appelés à laisser germer Dieu, à laisser Dieu transformer Valpré en terre de fraternité.

P.Arnaud, aa

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