Post à David

Post à David
Il faut remettre les choses à l’endroit. Il y a toujours un doute sur la personne quand elle défile sous la bannière « je suis heureux » ! Tu crois pas ? Que nous dit-elle en réalité ? alors, David, tu n’étais pas heureux à Sainte Blandine ? Oh que si que tu l’étais ! Oh que si ! Dans le reportage de France 2 diffusé dimanche soir dernier, je concélèbre à tes côtés, ne me dis pas que tu n’étais pas heureux ! Ne la joue pas avec moi, on se connait depuis aout 1991 ! Simplement, tu n’avais pas tout, la vie familiale te manquait. Je n’avais pas mesuré combien, je n’avais pas mesuré qu’elle te manquait à toi beaucoup plus qu’à moi (car à qui ne manque-t-elle pas ?). De toute façon, je ne pouvais guère changer les choses. Aujourd’hui tu es marié avec Magali, que nous avons un peu connue, suffisamment en tout cas pour l’apprécier, et vous avez Léon. Je suis heureux que tu sois heureux comme mari et père. Franchement, tout le monde à Sainte Blandine souhaite ton bonheur, votre bonheur. Mais, reconnais-le, tu n’as pas tout non plus ; tu n’as plus ton ministère qui te donnait une grosse part de bonheur, et tu n’as plus ce contact avec les paroissiens. Il faut que ta nouvelle vie et ton boulot te donne la part manquante. C’est la vie, ça !


Que nous dis-tu quand tu nous dis « prêtre marié heureux » ? Heureux, tant mieux ! Marié c’est évident. Mais « prêtre » ? Qu’est-ce que tu viens remuer le couteau dans la plaie ? A quoi tu joues ? Sur mon blog tu trouveras ce que je pense de la formule « Prêtre à jamais ». Tu n’apprendras rien car en réalité, tu sais très bien qu’il n’y a pas de prêtre sans Eglise ! ça n’a pas de sens.
Ce qui me fout les boules, c’est que tu viens souiller ce qui est sacré pour les paroissiens et, je n’ai pas peur de le dire, pour moi aussi. Tu leur dis que l’Eglise catholique se trompe, qu’elle est méchante avec toi en t’enlevant ton ministère qui serait ton droit, que nous le voulions ou non : tu es prêtre, cela s’impose à tous, cela s’impose à Dieu lui-même peut-être ? Mais ça c’est dans tes rêves. L’Eglise t’a libéré de ton engagement ; elle t’a délié de l’imitation du Christ à laquelle tu t’étais engagé pour que tu puisses te marier. Et du coup, tout simplement, comme des milliers d’anciens prêtres, tu ne l’es plus au sens courant du terme, ce sens qui se dit dans les conversations et peut s’afficher sur une carte de visite. Je t’accorde, bien volontiers, qu’il restera sans doute au fond de nous les prêtres, quoi que nous fassions, la marque du don reçu dans le sacrement de l’ordination. Comme un éclat divin posé sur notre baptême, mais pas de quoi revendiquer la prêtrise envers et contre l’Eglise.  Il n’y a donc désormais que pour Léon que tu es « père ». On n’est pas à Star Wars ; tu ne peux pas nous imposer un « Je suis ton père ». La dernière fois, la photo truquée qui a fait un buzz terrible, fausse photo d’ailleurs, montée sur l’ordi de la paroisse, ça faisait rire. Mais là, non. « Prêtre », ça veut dire quelque chose pour les catholiques ; c’est quelque chose de sacré. Et ici ce n’est pas « des catholiques ». Ce sont des gens que tu connais, des gens que tu as tant aimés et qui te l’ont tant rendu. A moins que tu aies oublié… Non, c’est pas possible ! Tu ne peux pas nous avoir oublié… tu nous connais trop. Faut-il que je te rappelle les noms ? Au moins les premières lettres : An., Od., Lau., Car., Al., Thi., Fr., Em., Ph., Th., Mar.… on dirait la liste des 12 apôtres, qu’il faudrait multiplier par 12 pour avoir une petite chance de reconstituer l’ensemble !
Tous sans nouvelle ou si peu depuis 1 an et qui te voient débarquer en librairie avec un col romain ! D’où le sors-tu ? Pendant des années, tu en as fait un étendard du cléricalisme que tu rejetais. Tu t’habillais en Timberland ou Quiksilver; tu faisais même tes courses avec les paroissiennes pour être mieux dans l’air du temps afin d’être un prêtre au milieu de son troupeau… Et là, tu te fais un plan comm’, en piétinant la sensibilité de tes amis. Ne viens pas me dire que tu n’as pas eu le choix : tout le monde sait que l’éditeur accorde à l’auteur un veto sur la couverture. C’est la déontologie minimale de l’édition.
Te souviens-tu quand tu parlais de l’Eglise, comme c’était important pour toi ? Tu parlais aussi de miséricorde et de faiblesse ; tu disais que ce qui prévalait entre nous devait aussi prévaloir vis-à-vis d’elle. Et là nous te voyons te mettre face à elle, te posant en victime, la rendant méchante : « elle m’a enlevé mon ministère » ! Mais nous sommes des centaines à t’avoir vu partir, enfermé dans ta vérité : on aurait eu moins de mal à parler à un cheminot de la CGT. Que de larmes ont coulé ! Tu es parti sans ménager personne, sans un minimum de délicatesse, « arrogant comme sont les amants » comme dit Goldman dans une chanson. Tout cela, les gens te l’ont pardonné, j’en suis témoin. Ils ont longtemps rendu grâce pour tout ce qui a été vécu, sans doute encore aujourd’hui (puisqu’il n’est pas rare qu’on parle en bien de ce qu’on a vécu avec toi).
Alors, s’il te plait, ne viens pas en remettre une couche. Si tu es catholique, tu te fais petit et tu te laisses grandir par l’amour de tes frères en Christ et non par les médias. Si tu es protestant, et franchement grand bien te fasse, ton mariage au temple cet été n’en sera que mieux ajusté. Sois le vraiment, et ne te dis pas que tu es prêtre, ne choisis pas une couverture de livre en col romain ! Et même dans ce cas, celui d’une vie nouvelle dans une nouvelle Eglise, par respect pour les protestants, par respect pour le travail œcuménique, si beau et si difficile, fais toi petit, ne fais pas le prophète, ne joue pas à celui qui ouvre les voies ou qui pose les fondations. Ne tors pas le bras à l’Eglise catholique pour lui faire dire quand tu veux ce que tu veux qu’elle dise. Ne fais pas dire au Pape ou au cardinal des choses qu’ils n’ont pas décidé de dire. Ton rendez-vous avec le pape était un geste d’affection paternelle, qui devait rester votre secret. Tu en fais un acte du changement de discipline de l’Eglise en matière de célibat des prêtres ; disons que tu  laisses allègrement penser que c’est cela en définitive. Or, ce n’était pas ça ; tu le sais très bien.
Tu sais, l’ordination des hommes mariés, c’est une revendication que je porte depuis plus longtemps que toi. Il y a même eu un temps dans ta vie – justement le temps où tu portais le col romain- où tu t’opposais à cette opinion, tu la relativisais. Ta manière de te comporter aujourd’hui, loin de faire avancer le dossier le fait reculer. Ça aussi ça me fout les boules ! Des hommes mariés prêtres, cela viendra, bientôt j’espère, mais cela viendra par le témoignage de saints prêtres célibataires qui diront au pape : « je serais heureux d’avoir des confrères mariés ; l’Eglise en serait enrichie et fortifiée » et non par des départs tonitruants de prêtres qui, comme toi, auront prié Dieu, non pas de rester fidèles à leur parole donnée, mais en disant, comme je l’ai lu dans une de tes interviews : «Seigneur, je suis heureux comme prêtre mais pas dans le célibat. Si c'est ta volonté, présente-moi quelqu'un. Je n'irai pas la chercher, mais que je la rencontre ! » 
Oui, vraiment, il fallait, il me semble, remettre les choses à l’endroit. Je prends le risque de te faire du mal ; j’en suis désolé car je suis ton ami depuis plus d’un quart de siècle. Mais justement, notre amitié risquerait de mourir définitivement si je ne te disais pas en toute vérité ce que je ressens.
Bonne journée à toi. Que Dieu vous garde tous les trois.
Arnaud, prêtre, religieux, célibataire, toujours joyeux, malgré tout !
Posté sur FB du vendredi 20/04 au samedi 21/04.

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