Que votre cœur ne se trouble pas ! (Jn 14,1)


Que votre cœur ne se trouble pas ! (Jn 14,1)

Photos au jour de mon ordination, le 26 juin 2005, Cathédrale de Montpellier.

Un ami me transmet une dépêche de l'AFP qui m'apprend la parution prochaine au 18 avril 2018 du livre de David, plus de 300 pages, donnant son expérience et sa position par rapport au célibat des prêtres. La dépêche AFP reprend son affirmation suivant laquelle, il se dit encore prêtre, alors que semble-t-il, l'Eglise l'a reconduit à l'état laïc, ce que personnellement j'ignorais.

       Quelle Eglise ?
Me vient alors cette question toute simple : de quelle Eglise David se dit-il prêtre ?
Puisque les Eglises protestantes ne reconnaissent pas le ministère de prêtre catholique, à part la communion anglicane (j'imagine sous certaines conditions) et puisque l'Eglise catholique ne le reconnaît plus désormais comme prêtre, cela fait déjà les 4/5ème du christianisme, au moins... quelle est donc son Eglise ?
Je connais le cas d'un prêtre catholique dominicain passé à l'orthodoxie avec femme et bagage ; le P. Jean-Yves Leloup. Dans quel patriarcat ? je l'ignore. Peut-être est-ce aussi le cas de David ? Franchement, cela m'étonnerait.
Je pense plus simplement que David réemploie pour son compte une formule dont nous avions en d'autres temps tous les deux, avec plusieurs complices, souligné les dangers : le fameux « prêtre à jamais », traduction maladroite de sacerdoce in aeternum, que des théologies très conservatrices et essentiellement cléricales reprennent à l'envi. Il serait facile de montrer, bible et tradition de l'Eglise à l'appui que cette formule s'applique au sacerdoce du Christ, qui est transmis à tous par le baptême, lequel nous fait bien prêtre, prophète et roi. Il s'agit donc du sacerdoce baptismal et non ministériel. Oui, tous les baptisés sont bien prêtres, capables de parler à Dieu et de parler aux hommes en Son Nom, capables enfin (et même appelés à !) d'offrir leur vie « en sacrifice » spirituel.  Ce ne s'applique pas au sacerdoce ministériel, lequel est d'un autre ordre (c'est d'ailleurs un autre sacrement), qui est un sacerdoce de service de l'Eglise (service se dit ministère en latin).

Autant on peut dire, avec Saint Augustin, que c'est le Christ qui baptise, de sorte que le baptême est donné même si celui qui baptise est hérétique (catégorie qui prévalait du temps d'Augustin) ; ainsi tout baptisé reçoit du Christ le sacerdoce baptismal, presque directement, sans autre médiation que celle de l’intention de baptiser en empruntant les gestes propres du baptême dont la fameuse et absolument essentielle « plongée » dans l’eau. Autant il en va différemment de l'ordination : c'est l'Eglise qui appelle et ordonne au nom de la mission confiée par le Christ aux Apôtres. La médiation de l’Eglise est absolument incontournable, parce que le sacerdoce ministériel n’a valeur que dans l’ordre de la mission de l’Eglise. On dit ici mission, on pourrait aussi dire ministère de Salut ou – ce serait un peu cocasse mais finalement très vrai- service universel de Salut !  Il n'y a pas de sacerdoce ministériel en dehors de l'Eglise. On peut même être plus précis ici : pas de sacerdoce ministériel en dehors des Eglises dans l'unique Eglise du Christ.

      "Que votre cœur ne se trouble pas!"
Sommes-nous en train de rejeter David ? Lui-même est-il en train de « tordre le bras » de l’Eglise pour faire valoir ce qu’il pense être son droit ? Questions superflues, à côté de la plaque de mon point de vue. Car me revient ce passage de l'Evangile de Jean qui donne le titre à mon propos de ce matin :
Evangile de Jean, chapitre 14 : « 1 Que votre cœur ne se trouble pas! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. 2 Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures; sinon, je vous l'aurais dit; » dit Jésus à ses disciples, la veille de sa mort.
David n'a pas renié Dieu et n'est pas renié de Lui ; il a toute sa place dans le Royaume. Pour ce qui concerne son engagement chrétien ici-bas, il doit encore trouver sa place dans une demeure de la maison du Père. Ce ne sera pas facile. Nous sommes nombreux à avoir espéré pouvoir en discuter avec lui, pour chercher avec lui et pourquoi pas inventer avec lui un nouveau ministère, comme avant quand nous pensions le renouvellement de l’Eglise, considérant, après tout, que son départ pour se marier n'était pas un drame, ni un malheur. Il n’y avait pas pour nous d’obstacle à l’amitié, encore moins à la discussion. Mais, ce ne fut pas le cas, hélas.
Nous voilà rendus à nous-mêmes, pour retrouver la roche-mère sur laquelle repose notre foi et notre engagement dans l’Eglise. La conviction la plus profonde qui m'anime est qu'il n'y a pas de réel attachement au Christ sans un amour quasi mystique pour l'Eglise et le souci de son unité. Cette Eglise Une, dont nul ne connaît les frontières, pour ma part, je la reçois et la bâtis dans l'Eglise catholique. C'est donc à l'unité catholique d'abord que je me dois. Je le dis en passant, dans l'amitié, au nom même de ce que nous avons aimé et partagé ensemble, lui et moi : si l’Eglise catholique est toujours l'Eglise de David, alors il n'y a pas d'autres chemins pour lui non plus.
J'ai écrit ces lignes pour pacifier ceux de mes frères catholiques qui, à l’occasion d’articles de presse, de reportage TV ou du livre qui va sortir (dont je ne connais pas le contenu) pourraient être troublés par la confusion des sacerdoces comme ils ont pu être irrité hier par l'idée d'un appel de Dieu au mariage à l'intérieur d'une promesse déjà faite de célibat consacré. À eux, j'adresse ces mots tombés sous mes yeux aujourd'hui, les mots de Paul en son dernier chapitre de sa lettre aux Romains (Rm 16), mots un peu rudes mais si justes en définitive :
17 « Je vous en prie, frères, gardez-vous de ces fauteurs de dissensions et de scandales contre l'enseignement que vous avez reçu; évitez-les. 18 Car ces sortes de gens ne servent pas notre Seigneur le Christ, mais leur ventre, et par des discours doucereux et flatteurs séduisent les cœurs simples. 19 En effet, le renom de votre obéissance s'est répandu partout et vous faites ma joie; mais je veux que vous soyez avisés pour le bien et malhabiles pour le mal.
20 Le Dieu de la paix écrasera bien vite Satan sous vos pieds. Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous! »


Arnaud, aa, lundi 16 avril 2018.

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