Homélie de la fête du Christ roi de l’univers. Dimanche 22 novembre 2015. Valpré
Jésus-Christ règne
sur l’univers. Voici notre fête en ce jour. Et pourtant autour de nous, sous
nos yeux, c’est la peur qui semble régner, quand ce n’est pas la
violence ! Nous nous sommes abondamment interrogés sur les
attentats ; nous n’avons pas fini de comprendre, loin s’en faut.
Néanmoins, nous pouvons constater ce que nous expérimentons comme réponse
collective à cette attaque barbare. Notre société réinvestit la joie du vivre
ensemble, la fraternité, à telle enseigne que la Marseillaise devient l’écho
sonore de l’image du bon français avec son béret et sa baguette,
sympathique !
A travers cela, c’est
le refus de la riposte violente qui se fait jour. Serions-nous capables de la
réaction d’Antoine Leiris, journaliste à Paris qui a perdu son épouse dans la
tuerie du Bataclan ? Voici comme il s’exprime, dans un texte publié ce
dimanche par le quotidien La Croix. Il s’adresse aux terroristes :
« Vendredi soir vous
avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils
mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas
le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez
aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme
aura été une blessure dans son cœur. Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau
de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la
colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes.
Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant,
que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore. Je
l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était
aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque
j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis
dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera
de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous
retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès. Nous
sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées
du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois
rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va
manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les
jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et
libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus. »
Quel chemin il nous
ouvre !
Autre lumière. Dans
le film proposé par les jeunes de Valpré pour se préparer aux JMJ de Cracovie
de cet été, film consacré au Pape saint Jean Paul II, est donné ce dialogue
entre le jeune Karol Wojtila et un vieux sage, juste après l’invasion nazie. Le
vieillard s’exprime ainsi : « c’est avec l’amour que nous vaincrons
pas avec des fusils ; les nazis vont disparaitre parce que le mal se
dévore lui-même ; si l’amour est vaincu, les nazis reviendront sous une
autre forme ». Ne trouvons-nous pas là l’exemple même du Christ ?
Jésus-Christ a face
à lui deux ordres. Un ordre politique et militaire, incarné par Pilate, avec
qui il dialogue dans l’évangile que nous venons de proclamer. Il est au pouvoir
grâce à la force et la domination de son armée. Et puis, il y a l’ordre
religieux, qui règne sur le Temple, sans armée, mais en jouant sur la Loi
divine. La loi de Dieu en réalité n’est pas à craindre ; elle est belle et
désirable comme nous invite à le penser la première lecture. Mais elle a été
pervertie au cours du temps. Peu à peu les prescriptions liturgiques sont
devenues des hiérarchies sociales et des instruments de pouvoir.
Jésus lui ne veut
que restaurer Dieu : la sainteté de Dieu et la dignité de l’homme. Il
n’attaque ni le premier ordre, ni le second. Pourtant les deux vont s’entendre
pour le faire périr, alors même qu’au départ Ponce Pilate aurait tendance à
mépriser les accusateurs religieux de Jésus. Mais ainsi va la vie. Jésus n’est
pas surpris d’ailleurs, lui qui avait dit à ses disciples (Mt 12,30) :
« qui n’est pas avec moi est contre moi ». Le moment de l’existence
de Jésus est un moment critique ; cette phrase est abrupte :
« qui n’est pas avec moi est contre moi », mais elle est vraie.
Qu’est-ce pour nous,
aujourd’hui, qu’ « être avec » Jésus ?
Le temps de
l’insouciance spirituelle est passé. Jamais je n’aurais pensé qu’un jour,
aumônier d’étudiants, le gouvernement de mon paix dirait que nous sommes en
guerre et que peut-être demain sur un terrain de bataille des étudiants perdraient
leurs vies. Non jamais ! Car jamais plus la guerre ! Or, voici ma
conviction : il y a comme une loi dans le monde quand survient la guerre.
Ce que la prière n’obtient pas, les armes l’obtiendront ou plus exactement, quand les hommes se déchirent, les
armes se partagent les restes du monde que la prière des saints n’a pas mis à
l’abri. Si notre prière ne vise pas à
l’établissement d’un ordre nouveau selon Dieu, si elle ne vise pas la justice
réconciliatrice et la paix entre les frères humains, alors, nous aurons droit ,
non pas à la paix, mais au calme du champ de bataille quand vient le soir, non
pas à la justice mais à la sentence, non pas à l’ordre de Dieu mais à l’équilibre
des forces.
Ce que les peuples
opprimés expriment à savoir la nécessité d’une prière permanente, et combien
nous avons reçu de témoignages éloquents ces dernières semaines de la part de
nos frères chrétiens d’Irak et de Syrie déportés et martyrisés, oui ce qu’ils
disent de leur prière, une prière permanente et espérante, une prière forte
sonne à notre porte. Il n’est plus temps de tergiverser ; il nous faut
rejoindre le courant spirituel instauré par le Christ, donné par son Esprit. Il
nous faut étendre son règne comme nous y invite la fête d'aujourd’hui. Étendre son règne, c'est-à-dire élargir la dimension spirituelle de nos vies. Augmenter
en nous les pensées, le temps, la surface intérieure que nous présentons à
Dieu. Il ne s’agit pas de choses compliquées, simplement se vouloir plus ouvert
à lui, plus proche de lui, mieux connu de lui.
Chers fiancés qui
êtes là pour votre week-end de préparation au mariage, qui avaient devant vous
une année de discernement, n’hésitez pas ; élargissez votre dimension
spirituelle, étendez vous intérieurement, laissez entrer la prière et vous verrez,
c’est l’amour du Christ qui entrera.
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